Chapitre 6 : La curiosité des savants et la recherche des esthètes

LA drogue est souvent exotique. L’exotisme du XVIIIe siècle, celui de Bougainville, de La Condamine, de Cook, de La Pérouse, fascine comme un miroir. Au XIXe , il séduit et inquiète. En octobre 1800, au beau milieu de l’expédition d’Egypte, un musulman ivre de cannabis tente de poignarder Bonaparte. Le jeune général prend un arrêté, celui du 17 vendémiaire an IX : « L’usage de la liqueur forte faite par quelques musulmans avec une Certaine herbe nommée haschisch ainsi que celui de fumer la graine de chanvre sont prohibés dans toute l’Égypte (1). »

La France, â la différence de l’Angleterre, ne fait au haschisch qu’une éphémère popularité. On s’interroge pourtant sur ses relations avec le crime. Le grammairien Sylvestre de Sacy voit dans haschichin l’étymologie d’ « assassin 2 ». Les gazettes colportent, avec maintes enjolivures, l’histoire du Vieux de la Montagne, narrée par Marco Polo. Ce chef des ismaéliens, au Liban, faisait absorber la substance à de jeunes hommes ; il les emportait dans un jardin de rêve pour les faire se réveiller entre les bras de douces jeunes filles. Poursuivant dès lors cette vision entrapercue du Paradis, ils bravaient les dangers, décidés à mourir en aveugle, à se précipiter du haut d’une tour, à poignarder un prince au milieu de ses gardes. Qu’importait la mort ? Ils retourneraient droit au ciel, jouir pour l’éternité des plaisirs entrevus grâce â la merveilleuse composition. Clef du ciel et pousse-au-crime, tel apparaît le haschisch. Une mythologie de la peur s’invente, promise à un bel avenir.

Les soldats de Bonaparte ne sont pas seuls à rapporter du haschisch dans leurs bagages. L’expédition d’Égypte était accompagnée par ceux qu’on appelait des « savants », chargés de dissiper les mystères de l’Orient. Dans cette tradition, des médecins voyageurs, comme joseph Moreau de Tours ou Louis Aubert-Roche, se passionnent pour cette drogue. Au cours de périples orientaux, ils s’enquièrent de son emploi. Dans le produit, ils ne voient pas l’instrument de mort ; sa puissance, pensent-ils, engendre aussi la vie. Le docteur Aubert-Roche, dans un ouvrage de 1840, en fait, partir de cas de guérison attestés en Palestine et Turquie, un remède contre la peste 3. Quant Moreau de Tours, il y voit le moyen d’explorer la folie. Le délire haschisché emmène au pays des songes, il ouvre donc la porte de la folie. Au sein du « club des hachischins » — selon l’orthographe d’alors —, qu’ils président tour a tour, les deux médecins initient leurs amis artistes aux joies du Voyage. La science et l’exotisme, dans une recette qui deviendra banale, se mêlent la poésie.

Voici le temps des explorateurs du rêve. L’hôtel de Pimodan est un imposant édifice, vieux et sombre, autrefois édifié par Lauzun, et sis 17, quai d’Anjou, dans l’île Saint-Louis — « oasis de solitude au milieu de Paris », dit Théophile Gautier. Vers 1846, dans l’appartement du peintre Fernand Boissard, les médecins invitent chaque mois leurs amis, moyennant quelques francs, dans leur laboratoire sensations nouvelles. il se prend du hachysch (sic) chez moi lundi prochain trois novembre sous les auspices de Moreau et d’Aubert-Roche. Veux-tu en être ? demande Bossard invitant Théophile Gautier. Tu prendras ta part d’un modeste dîner et tu attendras l’hallucination. Tu peux même amener avec toi le bourgeois que tu voulais injecter : comme on amène des inconnus a mon auberge, un de plus n’y fera rien. Il se dépensera de trois a cinq francs par tête 4… »

Nous sommes dans la tiédeur d’un crépuscule d’été. Devisant entre eux, enfoncés dans des divans moelleux et bas, une assemblée choisie de poètes, de peintres, de graveurs, de romanciers. Par les hautes fenêtres largement ouvertes, ils découvrent les barques qui glissent sur la Seine. Dans une pièce, juste a côté, l’écho de violons et de violoncelles : un quatuor, invité par le maître de céans, y joue Mozart. Les hommes de l’art sont prêts. Posées sur un grand buffet, de petites soucoupes en porcelaine du Japon. Et, dans un vase de cristal, l’écœurant dawamesc, une substance base de résine de cannabis, de musc, de cannelle, de pistache et de sucre, au vague goût de loukoum.

Avec une spatule, le docteur Moreau extrait du récipient un morceau de pâte, et le dépose précautionneusement dans chaque assiette, a côté d’une cuillère de vermeil. « La figure du docteur rayonnait d’enthousiasme, rapporte Gautier ; ses yeux étincelaient, ses pommettes se pourpraient de rougeurs, les veines de ses tempes se dessinaient en saillie, ses narines dilatées aspiraient l’air avec force : « Ceci vous sera défalqué sur votre portion de paradis, me dit-il en me tendant la dose qui me revenait ». »

Théophile Gautier extrait de la « confiture verte » de cauchemardesques morceaux de bravoure, ses sensations sans doute puissamment épaulées par son imagination. Son corps se dissout, affirme-t-il, et devient transparent. Au milieu de sa poitrine, telle une émeraude verte, il aperçoit le haschisch. Ses cils s’allongent devant ses yeux, et s’enroulent sur de petits rouets d’ivoire. Autour de lui scintillent, croulent et ruissellent des pierreries multicolores. Quant à ses nobles amis, « défigurés, moitié hommes, moitié plantes », ils lui apparaissent sous les aspects les plus baroques, tels des échassiers étranges, « debout sur une patte d’autruche, battant des ailes ». Gautier se tord de rire : Je me mis à lancer les coussins en l’air, les rattraper en les faisant tourner avec la rapidité d’un jongleur indien. » Une demi-heure après et c’est un second accès, accompagné de phénomènes d’hypersensibilité auditive : « J’entendais le bruit des couleurs. Des sons verts, rouges, jaunes, bleus m’arrivaient par ondes parfaitement distinctes. » Enfin, Daucus-Carota, l’ignoble homme-légume, personnage sorti des contes d’Hoffmann, surgit et lui révèle : « Je t’ai rendu ta tête, mais j’avais enlevé la cervelle avec une cuillère 5. »

Baudelaire, Nerval, Alphonse Karr, Meissonnier, Tony Johannot, Delacroix, Daumier et bien d’autres encore sont les invités de Fernand Boissard, fréquentent un temps l’hôtel de Pimodan, et deviennent les cobayes consentants des médecins aliénistes. Tous font l’expérience de ces pérégrinations immobiles. Balzac, quant à lui, chantre de la lucidité et de la volonté, l’examine, le flaire, hésite et refuse prudemment d’y toucher. Quelques années plus tard, il confie à Mme Hanska qu’il en a fait l’expérience, mais que « la puissance de son cerveau » était trop grande pour qu’il ressentît de réelles sensations 6

Ivresse et folie

La méthode d’investigation de Moreau de Tours — « l’expérience personnelle comme seule vérité 7 » — n’est pas nouvelle. Au Grand Siècle déjà, on s’efforce, par des tâtonnements successifs et des expériences héroïques, d’en mettre au jour les dangers et les vertus. Parmi ces praticiens-cobayes, il faut citer le célèbre médecin du Roi-Soleil, Moïse Charas, qui se livre d’étranges auto-expérimentations. Un jour, en dépit des conseil de ses amis, il prend douze grains d’opium, « du plus pur », dont il fait une boulette, et qu’il avale. Après cette ingestion, il éprouve le besoin de prendre du repos : « Je me couchai sur deux chaises dossier, cherchant dormir une heure ou deux. » À son grand étonnement, le sommeil le fuit, quoiqu’il se trouve « fort tranquille et fort satisfait de ce repos ». Il ressent un bien-être étonnant. Un client entre dans son échoppe ; Charas se lève, le sert, « tout embarrassé des vapeurs d’opium », et retourne aussitôt sur ses chaises. Le soir, il ne peut ingérer ni liquide ni solide, et passe la nuit sans fermer l’œil, mais dans un état des plus agréables… Sans le savoir, il expérimente le « sommeil conscient » procuré par l’opium, que certains utilisent comme un excitant, disent les médecins du siècle suivant, émerveillés par l’audace de leur prédécesseur 8.

Moreau a une intuition scientifique, nourrie par l’expérience. De la folie, dit-il, nous ne savons que ce que les fous nous en disent. Grâce au haschisch, nous faisons l’expérience provisoire de la folie, nous la comprenons, et nous pouvons mieux la soigner. Son ouvrage de 1845, Du haschisch et de l’aliénation mentale, a un fantastique retentissement. Pendant vingt ans, ses émules publient des livres jumeaux sous son patronage.

Moreau de Tours postule l’existence d’un état « primordial », au cours duquel se relâche la vigilance des facultés inférieures ; les hallucinations dérivent donc de mécanismes physiologiques. Cette thèse organiciste de l’identité radicale du rêve, de l’ivresse et de la folie ne trouve plus aujourd’hui de défenseur. Mais avec elle, la médecine voyage â travers les imageries littéraires. Pour avoir le premier abordé ce continent, Moreau reste celui qui introduit la question de la modification des états de conscience dans la science médicale, le précurseur qui, comme le rappelle Deniker, a montré l’intérêt d’une étude comparative entre les troubles mentaux artificiellement provoqués et les psychoses véritables 9.

Tout au long de cent pages fascinées, Moreau de Tours décrit les huit phénomènes caractéristiques, selon lui, de l’absorption de haschisch, communs aux aliénés et aux rêveurs. Le sentiment de bonheur, d’abord, qui saisit l’expérimentateur de dawamesc. Puis son excitation, la dissociation de ses idées, la perte du sentiment du temps et de l’espace, le redoublement de son acuité auditive, l’afflux de convictions délirantes, la lésion des affections, la montée d’impulsions irrésistibles, et enfin la venue d’hallucinations. L’aliéniste rejoint le sorcier. Décrivant la lésion des affections, Moreau redécouvre Tristan et Yseut : « Le haschisch peut avoir la puissance d’un véritable philtre, en ce sens du moins que, s’il ne fait pas naître l’amour, il imprime a ce sentiment une énergie et une activité inattendues, et dont il est difficile qu’il ne reste pas quelque chose, alors même que tous les autres effets du philtre ont disparu. »

La drogue est un médicament. En 1839, avant Moreau, un médecin anglais de retour du Bengale, William O’Shaughnessy, avait traité par le cannabis des malades atteints de rage, de rhumatisme, d’épilepsie ou de tétanos. Le chanvre indien est « un anti-convulsif de grande valeur 10 », avait-il conclu, et on l’emploiera abondamment en Angleterre et aux États-Unis. Souverain contre les migraines, il permet aussi le sevrage des opiomanes. Bien plus tard encore, le médecin personnel de la reine Victoria déclarera, au terme de trente ans d’observations : « Dans presque toutes les maladies douloureuses, le chanvre indien est de loin la plus utile des drogues. »

Moreau, lui, expérimente le produit comme aliéniste, pour guérir ses malades de leurs idées fixes, de leurs impulsions irrésistibles, de leur neurasthénie. Voici un cas d’excitation maniaque :

« Nouvelle prescription de dawamesc (30 g). Deux tasses de café,Tune avant, l’autre après. Cette fois, l’action du médicament est plus franche et plus énergique, plus durable aussi … Du 3 juillet vers le 25, l’excitation domine sensiblement, le malade se soigne davantage et marche évidemment vers la guérison. Le 14 septembre suivant, il quittait l’hospice en parfaite santé. »

Hélas, en dépit de quelques fragiles triomphes, de telles cures se révèlent peu probantes… On conclut bien vite que l’apport essentiel de Moreau n’est pas thérapeutique. Alphonse Esquiros, commentant en 1845 les expériences cannabiques du « distingué docteur », manifeste son scepticisme : « Nous avons suivi nous-même l’emploi du haschisch sur trois hallucinés. Le résultat fut de changer les visions ordinaires de ces malades en d’autres visions. Déplacer la nature de la folie n’est pas la guérir 11. » Quelques années plus tard, Baudelaire reprend : Quand l’ivresse est passée, la vraie folie, qui est l’état normal du fou, reprend son empire… Quelqu’un s’est donné la peine d’écrire un livre la-dessus. Le médecin qui a inventé ce beau système n’était pas philosophe », tranche-t-il 12.

La France boude le haschisch… Baudelaire, d’ailleurs, se méfie de « ce miroir grossissant » « beaucoup plus véhément que l’opium, beaucoup plus ennemi de la vie régulière, en un mot beaucoup plus troublant ». C’est l’opium, dont il apprécie plus qu’il ne le souhaite les qualités sédatives, qu’il s’adonne le plus volontiers. Pourtant les traces des travaux de Moreau de Tours sont profondes dans le monde de l’art. Pour certains, l’expérimentation raisonnée de l’opium, de l’éther ou du haschisch se confond dès lors avec l’expérience esthétique : le voyage, l’exotisme, la jouissance, le rêve, la malédiction se mêlent en un puissant élixir. Et ils enfourchent les chevaux du délire. Moreau leur avait confié l’essentiel : le produit permet de franchir le seuil où l’imaginaire se libère. La pensée fin de siècle reprendra le thème : un criminologue, Cesare Lombroso, consacre tout un volume a la dégénérescence, productrice de meurtriers, mais aussi créatrice de génies. Et, dans l’univers où la maladie côtoie le génie, de Gérard de Nerval à Jean Lorrain, d’Antonin Artaud à William Burroughs, il y a foule désormais.

La morbidité délicieuse

En 1800, Sénancour, sectateur des Lumières, tenait sur les drogues des propos d’un relativisme fort moderne : « L’opium dans l’Orient, le bétel vers le Gange, la coca dans les mines du Potose ; le tabac, le café, les liqueurs spiritueuses chez tous les peuples ont produit des goûts qui ne périront point, quoiqu’ils ne soient pas fondés sur des besoins absolus. » Et d’ajouter, sur un ton clinique : « Le premier degré est celui du bien-être, le second celui de la joie ; viennent ensuite l’oubli, l’égarement, la fatigue et la destruction 13. » Quelques années s’écoulent, et le ton change. Les substances des Etrangers fascinent : l’ancienne « règle du désintérêt général » se brise, et l’imagerie s’invente.

Au milieu du siècle, la France littéraire se passionne pour les excitants de l’esprit >>. Celui qui sait unir la substance, le délire, le génie et la mort est un Anglais, Thomas De Quincey. Dans un ouvrage de 1821, brossant un tableau mythologique des effets et méfaits du pavot, il inaugure une tradition. Les Confessions d’un opiomane anglais, un traité sur les imageries de la drogue ? A lire les premiers chapitres, on croirait plutôt une petite fable de santé publique 14

Il était une fois un jeune gentleman orphelin, pauvre, amoureux des livres et merveilleusement doué pour le grec ancien. Il poursuit des études brillantes, mais il souffre cruellement de la faim et se trouve dans un état permanent de privation et de faiblesse. Chaque matin, pour se réveiller, il trempe sa tête dans l’eau froide. Une nuit, il est saisi de crucifiantes douleurs rhumatismales au crâne et au visage, qui ne lui laissent aucun répit pendant vingt jours. Le vingt et unième, un samedi après-midi, humide et sans joie », un camarade de son collège, rencontré par hasard dans une rue, lui recommande un merveilleux remède. Un pharmacien le lui vend ; ce sont quelques sous de teinture d’opium. Etait-ce un « pharmacien morne et stupide » qu’il a entr’aperçu ce jour-là ? Ou plutôt un pharmacien sublunaire « envoyé ici-bas avec une mission particulière a son adresse » ? se demande De Quincey… « Je tenais tout à coup le secret du bonheur dont les philosophes avaient disputé durant tant de siècles : le bonheur s’achetait pour deux sous qu’on pouvait garder dans la poche de son gilet. »

Presque tous les écrivains de cette époque goûtent a l’opium. Certes, la plupart n’en ont que faire. Walter Scott en déteste même les effets endormisseurs. Quant à Charles Dickens ou Elizabeth Barret-Browning, ils en font l’expérience sans s’y attacher le moins du monde 15. C’est l’emploi banal du produit, à la fois fonctionnel et médical. D’autres entretiennent avec les opiacés des relations troubles. L’ami de De Quincey, Samuel Coleridge, après avoir tout goûté, l’alcool, l’éther et le laudanum — jusqu’à en ingérér plus d’un litre par semaine —, avait, prétendait-on, trouvé dans les substances opiacées l’inspiration visionnaire de Kubla Khan. « Un petit nombre de poèmes d’un charme singulier, disaient les critiques fin de siècle ; produit anormal d’un être anormal, conçu dans des conditions anormales 16. » Tout comme De Quincey, il raconte sa lutte. L’utilisation première, strictement médicale ; les extases, ensuite ; puis les terribles effets de ce poison destructeur du libre arbitre », qui lui fait négliger ses devoirs familiaux. Comme De Quincey encore, il fait de sa lutte un objet esthétique, avec son Ode l’abattement et ses Souffrances du sommeil 17 . En Allemagne, Goethe, lui aussi, écrit un poème dédié au laudanum : « Je te vois, et ma douleur s’efface… » ; on retrouva, après sa mort, sa pharmacie bourrée de ce produit. En France, Baudelaire décrit a Mme Aupick ses douleurs intestinales, et déplore les méfaits du laudanum qu’il utilise avec générosité 18. Certains artistes en font un usage plus périlleux encore : Goya en ingère des doses faramineuses, qui auraient tué quelqu’un de moins mithridatisé que lui ; Poe, chantre de l’opium dans Al Araaf, tente de se suicider au laudanum dans un moment de désespoir. D’autres en meurent. Ainsi, l’écrivain Alphonse Rabbe, qui en périt en 1829, ce qui donna la presse l’occasion de dénoncer — une des toutes premières fois — ce « poison violent 19 ».

Réduits cette dimension platement clinique, les tristes récits d’abus d’opium auraient pu rejoindre, dans le registre des contes moraux, les excès des buveurs ou des gourmands, simples prétextes pour déplorer les méfaits de l’intempérance, les faiblesses de la volonté et les défauts de caractère… Pour dénoncer un vice, blâmable certes, mais un vice comme un autre, l’orgueil ou la concupiscence. Telle est la doctrine classique que le romantisme bouleverse. Toutefois, l’opium de la première moitié du XIXe siècle, parfaitement légal, et assez banal, ne peut être confondu avec les drogues sombres des années qui suivent. Le malade et le coupable coexistent imbriqués dans une sorte de halo, sans qu’aucun ne prédomine. L’indulgence dépend de la seule rigueur morale. Sous la reine Victoria, la prise de produit est encore un vice mineur, qu’on s’autorise dans l’intimité. L’artiste, comme le médecin, a des circonstances atténuantes : il est victime de sa curiosité et de son imprudence. Les autres, qui n’ont pas de telles excuses — et qui sont pauvres —, encourent les foudres des ligues de tempérance. Mais la distinction est fragile ; au fil du temps, elle est de moins en moins tranchée…

Pourtant, les anciennes ambiguïtés étonnent et de nouveaux débats émergent. Le premier excède aujourd’hui par ses lassantes déclinaisons : le drogué est-il un malheureux, châtié pour son ignorance et son imprudence ? Ou un vicieux, détruit par son appétit de jouissance ? Prenons l’éloquent et bienveillant William Wilberforce, l’ancien doyen de Carlisle » — comme le nomme Quincey —, apôtre, la fin du XVIIIe siècle, d’une loi si courageuse contre la traite des esclaves… Eh bien, ce brave homme a mal tourné 20. Touché par le paratyphus, il s’est soigné a l’opium ; bientôt, il ne le mange plus : il le dévore. Pendant près de quarante-cinq ans, il veut vaincre cette habitude, et s’acharne diminuer ses consommations. À la fin de sa vie, il y renonce, et en ingère des quantités impressionnantes. Le poète s’étonne : comment ce bon monsieur Wilberforce n’a-t-il pu contrôler son vice ? Dorénavant, pour les esthètes qui s’initient la prise de drogues comme pour tout le corps social, les idées de morbidité et de vice s’enchevêtrent : il n’y a plus d’opiomane innocent. Ni d’opiomane coupable d’ailleurs… La drogue prend une coloration moderne, accompagnée des miroitements ambigus qui ne la quitteront plus, entre la voie d’accès au monde des chimères et la déchéance morale.

Avec De Quincey, l’opiomane devient un être mystérieux, dont la conduite confond la raison. Doit-on juger le coupable, ou plaindre la victime ? L’un et l’autre, répond De Quincey. Et il fait glisser la responsabilité du consommateur vers la substance. C’est elle qui attente une valeur essentielle : la volonté. Dès lors, s’accrédite l’idée du produit tout-puissant, et de l’engrenage diabolique dans lequel il entraîne ses adeptes. L’honnête remède et la jouissance trouble s’enchevêtrent. Le mangeur d’opium est une victime, certes, mais une victime étrange, qui œuvre sa propre perte. Pris dans un piège sans doute, mais dans un piège qu’il s’est construit. L’opium soulage, mais procure aussi une dangereuse et terrible jouissance, laquelle les âmes faibles s’adonnent, qui les captive et les asservit. Nous nous apitoyons sur Thomas De Quincey. Et nous pestons, avec lui, contre le « sortilège » et les « chaînes maudites » dont il ne sait se dépêtrer.

Et du piège qui étreint l’opiomane, qu’en est-il ? Un second brouillage s’effectue. Est-ce un piège ? Et seulement un piège ? Puisqu’il libère aussi l’esprit de celui qu’il enchaîne… Un subtil dosage, une fragile comptabilité autorisent toutes les distinctions, jusqu’aux plus sophistiquées. Dans un même mouvement d’horreur, De Quincey, comme Coleridge, magnifient la substance qu’ils incriminent. Un mythe duplice, la peau épaisse et la vie dure, est codifié pour longtemps : la drogue hallucinée, qui ouvre les yeux, la drogue maléfique, qui dévore ses proies. D’autant plus que le poète revendique, par son opiophagie, le statut de voyant ; devant. nos yeux un peu jaloux, il évoque les paradis que son vice lui offre… L’opium excite l’imagination, décuple la puissance de ses illusions, ouvre des sentiments neufs. Quincey détaille avec délectation les visions de cauchemars affichées sur ses paupières fermées ; jouant en virtuose de sa sensibilité, il évoque les ombres, déterre les visages ensevelis, reconstruit sur le mur de sa chambre la splendeur architecturale des délirants édifices de Piranèse : Je contemplai un déploiement de cités et de palais tel que n’en vit jamais l’oeil émerveillé, si ce n’est dans les nuages : les tours crénelées qui portaient, sur leurs cimes mouvantes, des étoiles. » Mais bientôt, poursuivi par un tueur malais, « ennemi redoutable qui transporte chaque nuit au milieu de tableaux asiatiques », il dérive vers un Orient de cauchemar, traversé de tortures mythologiques : il se retrouve « enseveli pendant un millier d’années dans un sarcophage de pierre, avec des momies et des sphynx, dans des cellules étroites au cœur des éternelles pyramides ». Enfin, étreint par des crocodiles aux baisers cancéreux, je gisais confondu avec une foule de choses inexprimables et visqueuses, parmi les boues et les roseaux du Nil ».

Traduit par Musset quelques années après sa parution, ce livre noir empli de conseils perfides inspire toute une génération. Bau-delaire en donne une version nouvelle. Aussi ambivalent que De Quincey, il célèbre le vin, boisson sociale, qui exalte la volonté, et rejette l’opium comme le haschisch, cet « isolant » « fait pour de misérables oisifs ». Il en récuse même l’utilité médicale, magnifiant la souffrance humaine et sanctifiant l’« indispensable douleur ». Mais c’est lui qui traduit le dithyrambe célèbre — « O juste, subtil et puissant opium… » —, leitmotiv obligé des innombrables volumes que les thuriféraires de la drogue dédient leur produit. La confusion commence. Dans l’imagerie artistique, la substance est, indissociablement, divine et diabolique. Elle ouvre aux délices morbides, aux délectations vénéneuses, aux voluptés malignes.

La quête de drogue: l’état de grâce

Les drogues du malheur avaient partie liée avec les tourments de la vie quotidienne : ne plus souffrir, pouvoir travailler… Avec De Quincey, le cap change. Le malade s’efface devant l’homme sensible et sensuel. Les Confessions révèlent une sensibilité nouvelle. L’état recherché peut banalement se confondre avec un pro-fond bien-être ; on le savoure par avance. De Quincey rapporte les paroles du feu duc de Norfolk, avant ses débauches : « Vendredi prochain, s’il plaît Dieu, je me propose d’être ivre. » L’ivresse ne pousse pas la solitude ; après avoir mangé de l’opium, De Quincey cherche la compagnie, se rend au théâtre ou se promène dans les lieux où la foule se rassemble. Au spectacle, ses sensations n’en sont que plus aiguës : « Ce jour-là, la Grassini chantait l’Opéra, et sa voix m’était un délire. » Au milieu de la foule, un sentiment de bienveillance lui fait épier et écouter . les gens du peuple, se plonger au cœur des marchés où les pauvres dépensent leur salaire et partagent les joies des délassements du travail ». Seul, tout aussi bien, devant la fenêtre ouverte de sa chambre, la mer devant lui, un mile, et la grande ville de Liverpool toute proche, il éprouve aussi une profonde plénitude : II me semblait que, pour la première fois, je me tenais distance et en dehors du tumulte de la vie, que le vacarme, la fièvre et les luttes étaient suspendues, qu’un répit était accordé aux secrètes oppressions de mon cœur ; un repos férié ; une délivrance de tout travail humain. » Bref, ce qu’offre la drogue, c’est un délicieux, un miraculeux, un fragile état de grâce.

L’artiste, par la drogue, explore un continent inconnu. Timidement, au début. À l’orée du siècle, même chez ceux qui esquissent une utilisation hédoniste des produits, les consommations sont hésitantes, leurs rôles multiples et intriqués. Sur une fonction de soin, fondamentale, s’en greffe une autre, qui l’infléchit et la détourne. On rencontre l’opium en ouvrant les portes de la Douleur, du Plaisir et de la Curiosité, dit-on l’époque. Pour éviter la souffrance, soulager un chagrin, trouver la volupté. Ou, tout aussi bien, voyager jusqu’au bout de ses sens, rechercher des sensations et des idées nouvelles…

Est-ce dire que les drogues sont les préludes I l’écriture, les auxiliaires de la création, les coadjuteurs du Génie et des Muses ? Le raisonnement est plus complexe. Le produit ne sourit qu’aux poètes — et seulement en de rares moments. Il donne chacun ce qu’il possède déjà. Au marchand de bœufs, dit De Quincey, il fait voir des bœufs. L’artiste seul accède un imaginaire qui lui permet de franchir les ultimes frontières de sa rêverie. Baudelaire exprime aussi cette thèse avec force : Le haschisch ne révèle l’individu rien que l’individu lui-même. » Cet énoncé ouvre une théorie des deux rêves. « Voila le rêve naturel ; il est l’homme lui-même… » Plein de sa vie ordinaire, de ses préoccupations, de ses désirs, de ses vices, il se combine de façon plus ou moins bizarre avec les objets entrevus dans la journée… Mais l’autre rêve, qu’il appelle « hiéroglyphe », « représente le côté surnaturel de la vie et c’est justement parce qu’il est absurde que les Anciens l’ont cru divin ». Et Baudelaire de conclure : « C’est un dictionnaire qu’il faut étudier, une langue dont les sages peuvent obtenir la clef  21. » Comme Virgile, qui accompagne Dante dans son voyage initiatique, l’opium prend le poète par la main, et tous deux s’enfoncent dans les arcanes de l’imaginaire. Et pour les autres, ceux que le génie a oubliés ? Pour eux, les drogues ne sont que de pauvres substituts de l’inspiration, de rêveuses consolations, de sinistres illusions. Les textes issus de leur expérience ne sont que le reflet de leur impuissance. Théophile Gautier montre les limites de ces prothèses esthétiques dans La Pipe d’opium, lorsqu’il décrit Carlotta. Cette jeune morte la peau diaphane — morte si jeune qu’elle ignorait les plaisirs de l’existence — lui apparaît dans un rêve : « Elle parlait en vers d’une beauté merveilleuse où n’atteindraient pas les plus grands poètes… » Hélas ! Le malheureux visionnaire juge hors de sa portée la moindre tentative de rendre la beauté de ces paroles… Lui, Théophile Gautier, qui ne fut jamais intoxiqué, cède pourtant ces facilités de l’ « ineffable », de l’ « indescriptible », pain quotidien de tous les mauvais textes qui font l’éloge des produits 22. L’opium, un adjuvant esthétique ? Certes, mais pour ceux qui sont déjà inspirés…

Comment expliquer cet emploi artistique de la substance, sans cesse renaissant ? La drogue, pour les romantiques, joue un double jeu. Comme dans les sociétés que décrit Van Gennep 23, elle est un instrument de passage. Baudelaire, albatros qui ne peut vivre ici-bas, en appelle à un autre univers ; le produit, comme les herbes dont on abrutissait la Pythie delphique, ouvre à un autre monde, proche et pourtant inaccessible. Mythologisation essen-tielle : l’histoire de la drogue est rythmée par son retour triomphal sur le chariot des Muses. D’Edgar Poe à Jean Cocteau, et d’Yvette Guilbert à Mick Jagger… Qu’on s’en gausse, n’empêche que la substance n’est pas seulement chimique et médicale. Elle a partie liée avec l’Ailleurs, avec tous les mystères de la création, ceux de la vie et de la mort, avec la révélation, la chute et la rédemption. Si elle pousse aux excès les plus coupables, c’est qu’elle est « une dépravation du sens de l’infini », révèle Baudelaire.

Les drogues servent un autre but : elle sont un recours statutaire. Par sa consommation, l’artiste se met en scène. Revenant d’une traversée des rêves toxicomaniaques, il est l’Initié, paré du prestige d’une expérience ensorcelante. Dans le même mouvement, il est écarté du sort commun ; il éblouit, comme d’autres, victimes de la société, parias ou maudits. La marque du Diable est aussi celle des poètes, et la drogue devient avec Baudelaire un attribut de l’artiste. La nature du produit importe peu : tantôt opium, haschisch ou éther, tantôt morphine ou cocaïne. Les substances diffèrent mais répondent toutes à deux stratégies conjointes : affronter en face ce qui est radicalement nouveau ; et s’ériger soi-même en explorateur de l’Ailleurs. Cette logique de l’artiste est liée à la place que nos sociétés assignent à leurs créateurs ; elle se déploie dans l’histoire des arts, de la poésie à la peinture, de la plume à la scène, de l’écriture à la chanson : sous des formes diverses, son recours est constant. Comme un fil rouge, on retrouve cette béquille statutaire dans tous les métiers de gestion du Nouveau, chez le publicitaire comme chez le journaliste.

C’est aussi, par la force de ses sensations, l’affirmation éclatante et honteuse de soi ; Quincey clame sa honte de traiter un « sujet aussi franchement vil que son propre corps », mais il l’exhibe, et, dans les dernières pages du livre, l’« offre à ces messieurs de la Faculté s’ils veulent tirer bénéfice de l’examen du corps d’un opiomane ». Dernière exposition universelle de ses plaies et ultime jouissance posthume… Ce narcissisme macabre court tout au long du siècle.

Au travers de la drogue, on assiste, plus profondément encore, à une mutation du rapport au corps, des relations à la douleur, à ses propres désirs et à ses sensations. C’est ce que Jacques Léonard désigne comme une « montée de sensations entre le XVIIIe et le XIXe siècle ». Il cite, entre autres exemples, le bouleversement des perceptions visuelles : l’éclairage, la diversité des techniques de reproduction, tout comme l’invasion des glaces et des miroirs. Mais aussi l’extension fantastique d’une recherche de la griserie 24 ». Ce que Balzac entrevoit, dans son Traité des excitants modernes, dissertant sur l’eau-de-vie, le sucre — bizarrement —, le thé, le café et le tabac, et oubliant l’opium 25… Baudelaire, lui aussi, s’interroge longuement sur ce mystère, qu’il rattache au « désir de l’idéal si fort chez l’homme » « Quel étrange problème ! Un peu de liqueur rouge, une bouffée de fumée, une cuillerée de pâte verdâtre et l’âme, cette essence impalpable, est modifiée à l’instant. »

Désormais, la drogue sera traversée d’une ténébreuse imagerie corporelle. Des politiques bien intentionnés, privilégiant dans le drogué la victime et le malade, rêvent de résoudre le problème des abus de substances toxiques par des moyens rationnels, du technique au politique, du médical au social ; des lois intelligentes, quelques mesures humanitaires, une moralisation des professions… Ces éléments sont parfois déterminants. Mais il ne faut pas oublier que la drogue est aussi une fantasmagorie ; et que, depuis De Quincey, le drogué, tel Icare, revient d’un voyage impossible.

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Notes

Deuxième partie : la médecine contre les fléaux sociaux

6. La curiosité des savants et la recherche des esthètes

1. Arrêté du 17 vendémiaire an IX (9 octobre 1800), pris par le Général commandant les troupes françaises en Égypte: « Article 1er : l’usage de la liqueur forte faite par quelques musulmans avec une certaine herbe nommée hachisch ainsi que celui de fumer de la graine de chanvre sont prohibés dans toute l’Égypte. »
2. SACY Silvestre de, 1809, « Mémoire sur la dynastie des Assassins et sur l’origine de leur nom », Académie des Inscriptions et Belles Lettres.
3. AUBERT-ROCHE François, 1840, De la peste au typhus d’orient.
4. Cité par C. PICHOIS, introduction des Paradis artificiels, Club du meilleur livre, 1961.
5. GAUTIER Théophile 1846, « Le club des Haschichins », in La revue des Deux Mondes, ler février. Le texte est reproduit dans l’ouvrage de Moreau de Tours ; voir aussi la bibliographie citée par LIEDEKERKE Arnould (de), 1984, La Belle Époque de l’Opium, Editions de la Différence, Paris.
6. BALZAC Honoré (de), 1969, Correspondance, Lettres a Mme Hanska, CEuvres complètes, Les Bibliophiles de l’original, Paris.
7. MOREAU (de Tours) Joseph, 1845, Du Hachisch et de l’aliénation mentale, Fortin, Masson et Cie, Paris.
8. MIRABEN, 1912, La Lutte antitoxique, la fumée divine, Girard et Brière, Paris.
9. DENIKER Pierre, 1966, La Psychopharmacologie, PUF, Paris.
10. USHAUGHNESSY W.B. « Case of tetanus, cured by a preparation of hemp », Trans. Med. Psychiat. Soc. Calif., 8, 1842.
11. ESQUIROS Alphonse, «Les maladies de l’Esprit», La Revue des Deux Mondes, 1845, 12e vol.
12. BAUDELAIRE Charles, 1851, note finale de l’article «Du haschisch et du vin », repris dans Les Paradis articiciels, op. cit.
13. SENANCOUR, 1804, Oberman, Lettres publiées par Monsieur de Senancour, Paris, Cerioux, an XII, rééd. Gallimard, 1984.
14. QUINCEY Thomas de, 1821, Confessions of an English Opium-Eater, being an extract from the life of a Scholar (first pub. : London Magazin Collins ed, Glasgow); trad. franç., par Alfred de Musset, 1828, L’Anglais fumeur d’opium, Marne ; rééd. 1959, Les Confessions d’un opiomane anglais, trad. franç. Pierre Leyris, Club français du Livre, Paris.
15. HAMA Alethea 1968, Opium and the Romantic Imagination, Faber and Faber, Londres.
16. Cité dans l’introduction de Christian de La Cassagnère aux Poèmes, de Coleridge, édition Aubier-Flammarion, 1975.
17. COLERIDGE Samuel T, « The Pains of Sleep », 3 sept. 1803; trad. franç., « Les souffrances du sommeil », in Poèmes, op. cit.
18. BAUDELAIRE Charles, 1947, Correspondance générale, Conard, Paris.
19. BOUSQUET Jean, 1949, Alphonse Rabbe, l’Opiomane, les Petits Romantiques français, Les Cahiers du Sud.
20. ‘WILBERFORCE H., 1838, The Life of William inlbetforce by his Sons, Londres.
21. BAUDELAIRE Charles, 1860, « Le théâtre de Séraphin», in Les Paradis artificiels, op. cit.
22. GAUTIER Théophile, « La pipe d’opium », La Presse, 27 sept. 1838; repris in Récits fantastiques, Garnier Flammarion, 1981, Paris.
23. VAN GENNEP A., 1909, Les Rites de passage, Paris ; voir aussi le colloque organisé par l’université de Neuchâtel en 1981, en particulier les interventions de Julian Purr-RIVERS et Pierre CENTLIVRES, Les Rites de passage aujourd’hui, Ed. L’Age d’Homme, Lausanne, 1986.
24. LEONARD Jacques, 1986, «Archives du corps, la santé au xixe siècle », Ouest France.
25. BALZAC Honoré de, 1839, «Traité des excitants modernes», in La Physiologie du goût de Brillat-Savarin.

 

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