Drogue : la loi pour réduire les risques

Pratiquée avec succès depuis vingt ans, la distribution de seringues consacrée au Sénat.

 

C’est la fin d’une aberration française. Mercredi dans la nuit, le Sénat a adopté un amendement qui donne enfin un cadre légal à la «réduction des risques» liés à l’usage de drogues. Depuis plus de vingt ans, cette pratique, qui s’est imposée, au départ, du terrain, par la nécessité face au sida de distribuer des seringues propres aux toxicomanes, n’était couverte «que par une simple circulaire», a rappelé Jean-François Mattei. Forte de ses succès ­ «une diminution massive de la transmission du VIH par voie intraveineuse» et «une division par cinq de la mortalité par overdose», selon le ministre ­, la réduction des risques, labellisée «RDR», sera désormais inscrite dans la loi.

L’amendement déposé par le sénateur Bernard Plasait (UMP Paris) et repris à son compte par le gouvernement précise que «la définition de la politique de réduction des risques relève de l’Etat» et que cette dernière «vise à prévenir la transmission des infections […] la mortalité par surdose […] et les dommages sociaux liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants». Les actions conduites seront, par ailleurs, définies par «un document de référence approuvé par décret» et financées par «l’Etat sans préjudice d’autres participations, notamment des collectivités locales». Enfin, «les personnes accueillies dans les centres d’accueil et d’accompagnement […] bénéficient d’une prise en charge anonyme et gratuite». Hier, le ministre de la Santé s’est félicité d’avoir «tenu [son] engagement».

Voilà donc tous les acteurs de la RDR, regroupés dans plus de 150 associations et structures diverses, inscrits dans une politique de santé publique. Hier, ils se disaient «contents», voire «soulagés» par le vote de ce cadre légal. «C’est une avancée, mais il va falloir être vigilant pour que les associations soient intégrées à l’élaboration du décret», notait Act Up. Même son de cloche à l’Association nationale des intervenants en toxicomanie (Anit). «On sauve la mise. Mais le financement par l’Etat reste aléatoire et la conception de la réduction des risques ne peut se limiter au risque infectieux et doit intégrer les questions de la précarité, du soutien psychologique», explique Marie Villez, vice-présidente. «Le dispositif a une base légale, tant mieux. On est soulagé que la logique de santé publique reprenne ses droits face à la sécurité publique. Du moins sur la question du sida, car pour les drogues modernes et non injectables, rien n’est joué», pronostique Anne Coppel, sociologue des drogues.

Tout dépendra donc de ce que le gouvernement mettra dans le cadre adopté hier. Le «bus méthadone» de Médecins du monde, qui délivre ce produit de substitution aux héroïnomanes dans la rue ? Le testing d’ecstasy proposé par les bénévoles de Techno-plus dans les raves ? Les «boutiques», qui offrent conseils, capotes et jetons gratuits pour obtenir un kit d’injection propre au distributeur ? Les arbitrages risquent de se révéler alors plus idéologiques. «L’idée que l’on puisse se droguer, à condition de se droguer propre, est insoutenable», a prévenu mercredi Bernard Plasait.

 

 

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