drogues : risquer une question / Michel Foucault 1984-2004

Anne Coppel et Olivier Doubre
Michel Foucault 1984-2004 / Usages

Toutes les interprétations de Foucault ne se valent pas : c’est affaire, non de vérité, mais de fécondité et de stratégie. Ainsi dans le débat sur la réduction des risques en matière de toxicomanie : la dénonciation de la médecine comme contrôle social, invoquée contre ceux-là mêmes qui se confrontent aux drogues, vient pétrifier le débat qu’elle fait mine d’ouvrir. Une autre lecture est cependant possible : celle d’un philosophe qui prenait, entre tous, le risque au sérieux, et pour qui le sens d’un dispositif social n’est jamais joué a priori.

« Tout est dangereux, ce qui n’est pas exactement la même chose que ce qui est mauvais. Si tout est dangereux, alors nous avons toujours quelque chose à faire. Donc ma position ne conduit pas à l’apathie, mais à un hyper-militantisme critique. Je crois que le choix éthico-politique que nous devons faire tous les jours, c’est déterminer quel est le principal danger. »
Michel Foucault, « À propos de la généalogie de l’éthique », Dits et écrits, texte 326, 1983

Michel Foucault ne s’est pas exprimé sur les drogues, si ce n’est quelques phrases dans une interview pour The Advocate, en 1984 : « Ce qui me frustre, par exemple, c’est que l’on envisage toujours le problème des drogues exclusivement en termes de liberté et d’interdit. Je pense que les drogues doivent devenir un élément de notre culture. En tant que source de plaisir. Nous devons étudier les drogues. Nous devons essayer les drogues. Nous devons fabriquer de bonnes drogues – susceptibles de produire un plaisir très intense. Je pense que le puritanisme qui est de mise à l’égard de la drogue – un puritanisme qui implique que l’on est soit pour, soit contre – est une attitude erronée ». Apparemment, Foucault partageait les analyses de la contre-culture, mais il n’en a pas fait état dans ses écrits théoriques. Et cependant, son expérience en la matière ne s’est pas limitée à ses voyages aux États-Unis. Adolescent, il avait exploré la pharmacie de son père chirurgien. Selon Daniel Defert, interrogé à ce propos, il disait que cette expérience avait bouleversé ses cadres de pensée, et qu’à ce titre il la considérait comme fondatrice ; s’il s’est gardé d’en parler, c’est que, conscient des dangers, il ne voulait pas s’en faire le promoteur. Au reste, ajoute Daniel Defert, s’il ne s’est pas mis lui-même en danger, c’est que son addiction au travail le protégeait de l’addiction aux drogues.

Au contraire des Américains, les Français se sont gardés de parler des drogues, par peur de paraître les promouvoir. Sans doute l’expérimentation des drogues a-t-elle été d’abord plus limitée en France, mais ce silence collectif – quelles qu’en soient les raisons – contribue de fait au tabou qui interdit de penser les drogues. « Les drogues font partie de notre culture », avait pourtant relevé Foucault ; sans doute est-ce une des plus puissantes « techniques de soi » de notre société. C’est la perspective qu’adopte Alain Ehrenberg lorsqu’il met en relation la progression des consommations de drogues et les valeurs individualistes des années 1980. Cette analyse porte sur toutes les drogues, qu’elles soient licites ou illicites ; nous savons désormais qu’il n’y a pas de justification scientifique à l’interdit, sans pour autant parvenir à déconstruire le débat public.

« Toxico », le mot suffit à reléguer hors du champ de la pensée la question des drogues – un tabou que respectent aussi bien ceux qui consomment que ceux qui ne consomment pas. « Mais moi, je ne suis pas toxico », la phrase fait office de conjuration pour ceux qui veulent un dopant, ceux qui luttent contre la dépression, ceux qui en prennent « juste pour faire la fête », c’est-à-dire tous ceux qui échappent à la répression ou aux soins contraints. Le stigmate impose le silence tandis que, parallèlement, la guerre à la drogue a atteint un niveau de violence inimaginable au début des années 1980. Cette guerre remplit les prisons américaines avec plus d’un million de détenus pour infractions liées aux drogues. En France, trop peu – y compris parmi ceux qui militent sur la question des prisons – cherchent à connaître le nombre exact de détenus pour usage, aujourd’hui plus proche de 5 000 que des 200 généralement avancés. L’incarcération des usagers va à l’encontre de la croyance collective selon laquelle l’usage de drogues serait d’ores et déjà dépénalisé, la loi serait essentiellement symbolique, sans qu’il soit nécessaire de la réformer.

Quelle aurait été la position de Foucault dans le débat actuel ? Une seule chose est sûre, c’est qu’il avait déjà refusé de s’enrégimenter dans la « guerre à la drogue » : « De même qu’il y a de la bonne et de la mauvaise musique, il y a de bonnes et de mauvaises drogues. Et donc, pas plus que nous ne pouvons dire que nous sommes « contre » la musique, nous ne pouvons dire que nous sommes « contre » les drogues », avait-il déclaré dans la même interview. C’est pourtant sous les auspices de Foucault (et de Nietzsche, rien de moins), qu’un polytechnicien philosophe a organisé cette année un séminaire à l’École des Mines sur les politiques de lutte contre « la » drogue, dans le prolongement de l’action du « Collectif Anti-Crack » (CAC) qu’il a créé dans le quartier de Stalingrad à Paris. Le CAC peut se targuer, sinon d’introduire, au moins de relayer en France la diabolisation américaine du crack, à l’origine de la politique de tolérance zéro à New York. Avec le traditionnel « Que fait la police ? », ce groupe de pression sécuritaire dénonce « la politique laxiste du gouvernement socialiste », « lâche et irresponsable », qui aurait « baissé les bras devant la drogue ». C’est que, pour le responsable du CAC, l’insécurité est liée à la réduction des risques, politique officielle issue de la lutte contre le sida. Or, on va le voir, notre homme n’est pas le premier à invoquer Michel Foucault dans ce débat.

Il aura fallu attendre 1994 pour que la France adopte cette politique, décidée par les Pays-Bas dès 1985 et par la Grande-Bretagne en 1987. Meurtrier, ce retard est cohérent avec la politique française des drogues, une des plus répressives en Europe. Distribuer des seringues, c’est accepter l’usage de drogues ; pour les partisans de la répression, c’est accepter l’inacceptable. Dans les années 1980, les médias français dénoncent les Pays-Bas, la Suisse, la Grande-Bretagne, laxistes pour les uns, hygiénistes pour les autres. La France est figée dans un apparent consensus. En Europe elle fait office de gendarme en accusant la politique hollandaise. Quant à ceux qui sont habituellement hostiles aux mesures coercitives, ils se gardent bien de préconiser une telle politique : ce serait « médicaliser la toxicomanie ».

Officiellement, la lutte contre « la drogue » se mène au nom de la santé publique, mais l’opinion éclairée sait bien qu’il s’agit là d’un pieux mensonge : « La toxicomanie n’est pas un problème de santé publique », concluait déjà en 1978 le rapport Pelletier, premier rapport sur la loi de 1970 sur les stupéfiants. Toujours en vigueur, cette loi prévoit pour les usagers soit la prison, soit l’obligation de soins (l’injonction thérapeutique). À l’époque, les experts sont unanimes : le toxicomane n’est pas un malade ; il fait peur parce qu’il remet en cause les valeurs d’autorité, de travail et de réussite, mais l’usage, considéré comme une déviance, ne doit pas être médicalisé. Tout au plus doit-on proposer une aide ou une psychothérapie à ceux qui le demandent. L’opinion publique ne cesse pourtant de réclamer que les toxicomanes soient soignés, mais, sous l’égide du docteur Olievenstein, le système de soins spécialisés s’est construit pour résister à cette demande sociale. Pour le Dr Olievenstein, en effet, le médecin qui accepte de soigner un « malade » qui n’en est pas un se met au service de la lo

Soigner ou punir, l’alternative de la loi de 1970 est sans doute une des meilleures illustrations de la fonction de contrôle social de la santé publique. À juste titre, le Dr Olievenstein peut se prévaloir de Michel Foucault quand il refuse de faire du traitement médical un outil de contrôle social. La plupart des premiers militants de la réduction des risques étaient d’ailleurs, eux aussi, sous l’influence de Foucault : aucun d’entre nous ne remettait en cause le système de soins spécialisés dont on disait alors qu’il était « le meilleur au monde » ; la France avait su résister à la médicalisation – traitements méthadone ou comportementalistes – qui, sous couvert de médecine, n’était qu’imposition de la norme sociale. Si nous nous étions engagés dans la réduction des risques, c’était en suivant le fil directeur des besoins des usagers de drogues, définis avec eux. A priori, il n’y avait pas d’opposition avec les spécialistes. Aussi est-ce vers le Dr Olievenstein que Daniel Defert se tourne naturellement en 1985 quand AIDES cherche à produire une brochure de prévention pour et avec les usagers de drogues. Curieusement, les spécialistes refusent d’y associer ces usagers ; AIDES réalise alors la brochure sans les spécialistes, avec des consommateurs. Et quand, en 1989, Patrick Aebehard, de Médecins du Monde, s’adresse à son tour au Dr Olievenstein pour lui proposer l’ouverture d’un programme méthadone (il y avait alors seulement 40 places expérimentales en France), celui-ci tient à prendre ses distances avec les tenants de l’abstinence de drogues illicites ; il veut préserver « l’ilôt de liberté, le non-jugement moral sur l’aventure des gens ». Alors que l’interprétation de la toxicomanie comme souffrance psychique domine, Olievenstein rappelle « la menace du plaisir », plus inquiétante pour « les couches dirigeantes que la révolution sociale ». En supprimant le plaisir, la méthadone transforme le toxicomane en « infirme médico-légal ». Selon Olievenstein, les humanitaires ne voient pas qu’ils concourent à un programme qui n’a d’autre objectif que de « protéger le coeur des cités bourgeoises ». Dans un article publié dans Le Monde diplomatique en 1997, il fustige la méthadone et les boutiques qui accueillent les usagers, et fait référence à Michel Foucault : « Au nom de la raison, qui cache mal la peur, on a ainsi créé, avec la meilleure bonne volonté possible, les hôpitaux-prisons », « un moyen peu coûteux de contenir et contrôler les toxicomanes, placés sous camisole chimique, traités en malades chroniques plutôt qu’en « messagers » en manque de solidarité ».

Les lecteurs du Monde diplomatique n’ont pas eu à ce jour d’autre information sur la réduction des risques. L’analyse est d’autant plus crédible qu’Olievenstein donne tous les gages de son engagement. Ce professeur de médecine ne craint pas les provocations : « De la méthadone, pourquoi pas ? Mais dans les bureaux de tabac, là où se vendent les poisons », avait-il fulminé un jour. Cette injonction paradoxale résume l’alliance contre-nature à l’origine de l’immobilisme français. Elle conforte à la fois les anti-prohibitionnistes et les plus répressifs : on ne saurait mieux dire que prescrire de la méthadone, c’est donner de la drogue aux drogués. Si le message fait consensus, c’est qu’il renvoie à l’interprétation dominante de la toxicomanie comme souffrance psychique. A priori, cette interprétation n’interdit pas le recours au médicament, comme dans le cas de la dépression. Mais la méthadone, assimilée à la prescription de neuroleptiques pour les opposants soviétiques, peut être rejetée au nom des droits de l’Homme.

En contestant la prescription de méthadone, Olievenstein se voulait le protecteur de « la liberté du toxicomane » – une terminologie ambiguë, souvent assimilée ailleurs à la sortie de la dépendance, c’est-à-dire à l’abstinence. Qu’en pensent les principaux intéressés, ceux qui consomment de l’héroïne ? Aujourd’hui quelques 100 000 usagers d’héroïne ont fait le choix d’un traitement de substitution. La plupart faisaient déjà usage de produits de substitution (comme la codéine, en vente libre), et cette cuisine n’avait pas le statut de traitement. Était-il vraiment utile que les médecins s’en mêlent ? Ne valait-il pas mieux mettre l’héroïne ou la méthadone en vente libre ? La question est purement théorique puisque les conventions internationales en interdisent la vente ; et le vice du raisonnement est ailleurs.

La prescription de traitements de substitution n’a pu se faire sans un bouleversement des croyances collectives. La réduction des risques, dans la droite ligne de la lutte contre le sida, a conduit à une nouvelle définition de la santé publique, qui fait appel à la responsabilité individuelle, en l’espèce celle des consommateurs. Une politique fondée sur la responsabilité des toxicomanes ? Voilà qui ne peut se dire – et très difficilement se penser. Aussi le changement s’est-il fait à tâtons, sur le terrain, par la confrontation entre la recherche, le savoir-faire professionnel et l’expérience des consommateurs. Ce travail sur les croyances s’est mené souterrainement ; il est resté confiné à ceux qui étaient engagés dans l’action. De l’extérieur, le seul changement visible est la montée en puissance du discours médical. La prophétie d’Olievenstein dénonçant les dangers de la médicalisation aurait-elle pris corps ? À entendre le discours officiel, on a de bonnes raisons de le penser. Les médecins ont intégré la littérature scientifique internationale, ignorée hier, tandis que les médias se focalisent sur les détournements de prescriptions médicales, injectées ou revendues au marché noir. Pour les usagers, le changement est radical, et lié d’abord à la baisse de la mortalité. Mais la réduction de 80% des overdoses mortelles, quand elle est connue, ne suffit pas à désarmer les plus méfiants, l’argument statistique étant volontiers interprété comme le masque scientifique d’une volonté de normalisation qui prétend protéger de tout risque. Du reste, ni la baisse de la mortalité ni celle de la délinquance n’ont été commentées ou diffusées, car ces résultats vont à l’encontre des croyances collectives. Ce serait reconnaître que la mortalité n’est pas due à la toxicomanie, mais pour 80% à la manière dont les usagers sont traités : désormais, ceux-ci ne meurent plus à la porte des hôpitaux – ou beaucoup moins.

Mais le changement excède la simple survie. Hors des contraintes du marché noir, les usagers se sont responsabilisés : en même temps qu’ils protégeaient leur santé en renonçant au partage des seringues, ils ont revendiqué le statut de « citoyens comme les autres » – sans doute est-ce là une des meilleures illustrations du contrat responsabilité-solidarité, central dans la lutte contre le sida.

Or il y a contradiction entre la loi de 1970, qui interdit l’usage de drogues, et l’appel à la responsabilité. Officiellement, le dispositif de réduction des risques est limité aux risques infectieux (seringues stériles et traitements de substitution). Sa logique devrait conduire à une nouvelle définition de la prévention qui ne se limite plus au « non à la drogue » ; mais ce serait remettre en cause l’objectif prohibitionniste d’éradication des drogues – ce que refuse jusqu’à présent la classe politique, à droite comme à gauche. Simone Veil a pu mettre en place le dispositif de réduction des risques infectieux au nom de l’urgence médicale, à la condition sine qua non de ne pas modifier la politique de « lutte contre la drogue et la toxicomanie » – et jusqu’à présent cette injonction a été respectée. L’autorité sanitaire, invoquée pour justifier la réduction des risques, passe sous silence le contrat solidarité-responsabilité qui en fait l’efficacité. Et, comble du paradoxe, le dispositif de lutte contre le sida passe à côté des risques actuels, où l’injection joue un rôle de plus en plus secondaire (seulement 3% des nouveaux cas de séropositivité en 2003), au profit des risques mêlant le plus souvent aujourd’hui sexe et drogue – qui ne peuvent guère se gérer par le médical.

Limiter le dispositif au risque infectieux, c’est ce qu’exigent les conservateurs pour barrer toute possibilité de changement des politiques des drogues. Contrairement à la France, où l’action est limitée à la lutte contre le sida, nombre de villes européennes ont développé la réduction des risques pour répondre aux troubles liés aux drogues dans les quartiers. Il s’agit bien d’alternatives à la politique répressive ; à ce jour, ces actions ont été le seul frein à l’escalade continue de la guerre à la drogue. Au cours des années 1990, on pouvait espérer que les pays européens s’engageraient dans cette nouvelle voie, alternative à la guerre sainte américaine. Ce n’est pas ce qui s’est passé ; si la réduction des risques est aujourd’hui menacée, c’est que le sida ne fait plus aussi peur, mais, surtout, que la logique répressive l’emporte au détriment d’alternatives faisant appel aux politiques sanitaires et sociales. Sans doute doit-elle se donner maintenant de nouvelles priorités et démontrer qu’en réduisant les risques pour les usagers, elle réduit également les risques pour la société. Mais cet argumentaire n’a pas été développé en France, où il serait suspecté de « contrôle social ».

Apparemment, santé publique et toxicomanie ne font pas bon ménage, mais cette mythologie est précisément celle qui nourrit l’idéologie de la guerre à la drogue. L’usage de drogues n’est pas cet espace infini de liberté dont Olievenstein s’est voulu le protecteur. Il requiert au contraire des capacités d’auto-contrôle, qui, à défaut, peuvent s’étayer de substituts. Il est indéniable que les traitements de substitution participent de ces nouvelles technologies de contrôle de soi qui caractérisent notre société. Le prescripteur s’est introduit entre l’usager et sa drogue, mais la prescription ne transforme pas pour autant l’usager en esclave. Les usagers d’héroïne se sont approprié ces technologies, ce dont témoigne leur prise de parole lors de la tenue à Paris des premiers États Généraux des Usagers de la Substitution en juin 2004.

Le constater n’est pas renoncer pour autant à réfléchir à l’extension étonnante du champ de compétence de la médecine. On peut – et on doit – se méfier de cette demande médicale sans cesse croissante, de cette curieuse sollicitude qui transforme en précautionneux à vie. Ces débats doivent nourrir l’action. La santé publique, outil de contrôle social, n’est pas une problématique dépassée. La multiplication des consultations pour usage de cannabis répond-elle à un besoin de santé, ou participe-t-elle d’un nouvel ordre moral ? Thomas Szasz n’aurait pas de doute : pour ce psychiatre américain, les médecins sont devenus « les grands prêtres d’aujourd’hui », et « la lutte contre le Mal se mène désormais au nom de la Science », « pour la plus grande gloire de l’État thérapeutique ». Aux « besoins » de santé définis par des experts, Thomas Szasz oppose l’individu, mieux à même de protéger sa santé. Sans doute. Mais à moins d’adopter une conception libertarienne, il y a bien là des enjeux collectifs.

La définition des priorités de santé publique a beau faire appel à des données scientifiques, c’est, in fine, un choix politique qui renvoie aux différentes conceptions de la société et du rôle de l’État. C’est le sens de la contribution de Michel Foucault à la réflexion de la CFDT sur la Sécurité sociale. La santé publique peut être outil de contrôle social ou au contraire outil de changement des politiques, selon les forces qui s’en emparent. La réduction des risques relève indéniablement de logiques de contrôle qui, en elles-mêmes, ne sont ni bonnes ni mauvaises. Toute la question est de savoir quels contrôles peuvent être considérés comme légitimes, et par qui. Autrement dit, quels contrôles acceptons-nous de nous approprier ? La nouvelle voie ouverte par la réduction des risques est celle de la négociation entre les acteurs en présence, ceux qui consomment des drogues et ceux qui n’en consomment pas. C’est une force de changement : encore faut-il que des acteurs s’en saisissent. À défaut, la logique guerrière s’impose. La guerre à la drogue fait se gausser les Guignols de Canal Plus, qui, indirectement, alimentent l’idée que la France serait laxiste. Peut-être est-il temps de prendre un peu plus au sérieux cette guerre internationale – comme toute guerre, elle fait des morts et des prisonniers par dizaines de milliers en France, par centaines de milliers ailleurs – dont Foucault avait déjà refusé de se faire le complice.

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