Enquête exploratoire portant sur la consommation de stimulants auprès des jeunes habitants des cités de la région parisienne

En 2005, la Direction Générale de la Santé a commandité une étude visant à explorer les modalités de consommation de stimulants par des jeunes âgés de 16 à 25 ans et habitant dans les cités de la région parisienne. La nécessité de cette enquête exploratoire repose sur plusieurs constats, présentés ci-dessous.extrait du rapport

Sida Paroles – AFR.

Rédaction du rapport : Anne Coppel.

Direction scientifique : Anne Coppel.

Direction administrative : Valère Rogissart.

Financement : DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ.

 

POUR LE CONSULTER INTÉGRALEMENT DANS SA VERSION PDF.

 

1. Définition de l’enquête.

1.1.  Le contexte.

1.2.  Les objectifs.

1.3.  Le cadre institutionnel.

1.4.  Les produits concernés.

1.5.  La population.

1.6.  Les sites retenus.

1.7.  Le déroulement de l’enquête.

 

1. Définition de l’enquête.

1.1. Le contexte.

En 2005, la Direction Générale de la Santé a commandité une étude visant à explorer les modalités de consommation de stimulants par des jeunes âgés de 16 à 25 ans et habitant dans les cités de la région parisienne. La nécessité de cette enquête exploratoire repose sur plusieurs constats, présentés ci-dessous.

1°) Le développement des consommations de stimulants

Celui-ci est observé en milieu festif comme en milieu urbain par les équipes de terrain. Depuis 2000, le dispositif TREND constate la disponibilité et l’accessibilité accrue des stimulants. C’est là un des phénomènes émergents de ces dernières années.

2°) La difficulté de contact entre les équipes de réduction des risques et les jeunes usagers vivant dans les cités
Les plus jeunes ne se considèrent pas comme des toxicomanes et ne sont pas en contact avec les centres de soins. En milieu festif, les équipes de réduction des risques ont pu entrer en relation avec des jeunes, marginaux au regard du mouvement techno mais habitant en cité qui, si leur motivation première est la revente de drogues, pour autant ils sont consommateurs. En milieu urbain, en revanche, ces jeunes usagers ne sont pas en contact avec les équipes, qu’il s’agisse de prévention ou de réduction des risques. Ces jeunes ne sont pas non plus connus des services accueillant un public jeune.

3°) La méconnaissance des usages et des prises de risques

Faute d’une connaissance de cette population, on ne sait pas dans quelle mesure les risques liés à l’usage de stimulants sont perçus et si certains sont d’ores et déjà confrontés à des usages problématiques. Les usages occasionnels ou relativement maîtrisés passent inaperçus, rendant presque impossible une intervention précoce qui permettrait de prévenir l’usage nocif et la dépendance.

Établir le contact avec cette nouvelle génération d’usagers en milieu urbain, et l’établir le plus tôt possible, est une nécessité de l’action. C’est la raison pour laquelle l’AFR a élaboré le projet de l’enquête exploratoire, en collaboration avec Sida Paroles, association de réduction des risques intervenant en milieu urbain et en milieu festif.

Actuellement, trois types de populations d’usagers de stimulants sont en relation avec les équipes de réduction des risques :

  • les jeunes fréquentant le milieu festif ;
  • les anciens usagers d’opiacés, souvent en traitement de substitution, et, pour beaucoup d’entre eux, âgés de plus de 30 ans ;
  • des jeunes poly-usagers en errance qui peuvent être issus des quartiers mais qui ont rompu les liens avec leur quartier d’origine.De nombreux signes convergent pour attester que, aussi marginaux soient-ils, il existe bien des jeunes usagers de stimulants habitant actuellement les cités et que nous pouvons caractériser de la manière suivante :
  • des jeunes rencontrés en milieu festif ;
  • des jeunes incarcérés pour trafic et consommation de cocaïne ;
  • des témoignages d’usagers plus âgés ;
  • de l’observation dans les night-clubs, dans le cadre de TREND ou d’actions ponctuellesde réduction des risques.La stigmatisation des usages et la clandestinité ont rendu nécessaire la mise en place d’un dispositif particulier, en complément des actions habituelles de l’équipe de Sida paroles

1.2. Les objectifs de l’enquête

L’enquête exploratoire répond aux interrogations des acteurs de terrain. En sollicitant des usagers qui ne sont pas actuellement en contact avec les services de soins ou les boutiques, l’enquête doit permettre d’appréhender la nature des difficultés rencontrées par les équipes sur le terrain. Elle doit contribuer à une meilleure compréhension des processus de diffusion des produits ainsi que des contrôles ou régulations de l’usage, qu’il s’agisse des usagers eux- mêmes ou de leur environnement social et sociétal. La confrontation des données recueillies dans le cadre des entretiens, avec l’observation du terrain doit aboutir à l’élaboration de stratégies collectives adaptées à cette population.Objectif de recherche1°) Identifier les différents profils de consommateurs de stimulants chez les moins de 25 ans habitant en région parisienne, dans les sites où interviennent les équipes de RDR (type d’insertion, sociabilités, trajectoires).2°) Décrire les modes de consommation, le contexte de l’usage, l’initiation, les significations attribuées à l’usage.3°) Décrire l’impact de ces consommations sur la vie personnelle et sur l’environnement des usagers, identifier les problèmes posés par l’usage, l’abus et la dépendance de stimulants et/ou des poly-consommations comprenant des stimulants.Objectifs opérationnels1°) Décrire les modes opératoires d’implantation auprès de ces publics.
2°) Contribuer à l’élaboration d’outils d’intervention adaptés aux plus jeunes (information, réduction des risques, accès aux dispositifs de soins), de propositions concernant la pénétration du milieu, la prévention de l’abus de stimulants et l’adaptation des services existants à ces nouvelles problématiques.
3°) Constituer un pôle d’échanges et de réflexions sur l’évolution des consommations des jeunes en banlieue parisienne associant, outre les enquêteurs, les partenaires intervenant auprès des jeunes dans différents secteurs (insertion, santé, justice, etc.).

1.3. Le cadre institutionnel

Le projet de l’enquête exploratoire a été élaboré sur la base de constats émanant des acteurs de terrain réunis dans l’AFR (Association Française de Réduction des Risques). L’association Sida paroles a été chargée de la gestion de ce projet pour le compte de l’AFR. Le choix de Sida-Paroles est lié à son implantation dans différentes cités du Nord du département des Hauts-de-Seine. Cette équipe a en outre une longue expérience de l’action en milieu festif. L’enquête exploratoire contribue ainsi au projet associatif à capitaliser l’expérience acquise en milieu festif, tout en l’adaptant au milieu urbain.

– Anne Coppel, sociologue, Présidente d’honneur de l’AFR, est responsable scientifique de l’enquête. Astrid Fontaine, ethnographe, a été associée à la méthodologie (participation aux ateliers d’analyse des données, rédaction des comptes-rendus et des ateliers d’analyse des données). Les enquêteurs ont bénéficié de l’expérience des membres de l’équipe, acquise dans le cadre de TREND, de SINTES et de la recherche-action de la « Mission Raves » de Médecins du Monde.

– Valère Rogissard directeur de Sida Paroles, est le responsable administratif de l’enquête. L’association offre le cadre pour le déroulement de l’enquête. L’équipe de terrain dirigée pas Benoît Delavault a organisé les journées de formation, des ateliers d’analyse des données et mis à disposition les ressources de l’association. L’équipe de jeunes, sous la responsabilité de Georges Lachaze, a contribué au recrutement des enquêteurs et aux contacts avec des usagers.

S’il n’y a pas eu de partenariats formalisés, différents acteurs associatifs ont participé au recueil des données : Jimmy Kempfer (Clinique Liberté, Bagneux) Vincent Bourseul et Jean- Baptise Selleret (Educateurs en maison d’arrêt, La Fratrie Nanterre), Vincent Benso (Techno- Plus).

1.4. Les produits concernés

Les stimulants retenus pour cette étude sont la cocaïne (sous forme de chlorhydrate ou de free-base) et les différentes amphétamines.
– Les usagers qui consomment du free-base sous l’appellation crack n’ont pas été exclus de l’étude mais n’apparaissent dans l’échantillon. L’usage de crack existe dans la cité, mais semble appartenir à des milieux spécifiques.
– L’usage exclusif de drogues de synthèse comme stimulant ayant été décrit dans d’autres études n’a pas été retenu dans notre corpus.

1.5. La population cible

La population cible est définie par les critères suivants :

1°) Age : 16 à 25 ans.
2°) Jeunes issus de milieu populaire habitant en région parisienne, dans une cité ou dans son environnement immédiat.
3°) Ayant consommé un stimulant (cocaïne, amphétamine) quel que soit le mode de cette consommation (occasionnel, régulier, abusif ou actuellement abstinent mais ayant connu une période de consommation).
4°) Contacté hors des accueils ou des services de soin existant.

Deux des critères ont exigé une définition plus précise, les catégories de « jeunes des cités » et de « milieu populaire ».

1°) Définition des « jeunes des cités »

Lorsqu’on parle des « jeunes des cités », on fait généralement référence aux jeunes visibles qui occupent les espaces publics. Nombre de jeunes habitant une cité HLM ne se considèrent pas pour autant comme « un jeune des cités ». Que représentent ces jeunes visibles au regard des autres jeunes qui habitent une cité ? Devions-nous nous limiter à ceux qui se définissent comme des « jeunes des cités » ? Devions-nous recruter des jeunes résidant actuellement dans une cité ou intégrer des jeunes issus des cités mais n’y habitant plus ?

La discussion de la catégorie « jeunes des cités » a été menée en collaboration avec Thomas Sauvadet, chercheur, dont la thèse porte sur l’observation ethnographique des sociabilités locales des jeunes (1).
Selon Thomas Sauvadet, les jeunes désignés comme « les jeunes du quartier » ne représentent qu’une minorité. Ceux qui revendiquent cette identité sont ceux qui occupent l’espace public (escaliers, parking, cours, etc.). Environ 10 % des jeunes participeraient de ces sociabilités locales, tandis qu’une très grande majorité tient à développer une vie sociale à l’extérieur du « quartier », dont ils fuient la « mauvaise réputation ». Des logiques de distinction très fortes se mettent en place, entraînant nombre de jeunes à se tenir à distance de ces jeunes stigmatisés. Des jeunes peuvent être engagés dans des pratiques délinquantes et fuir ces jeunes trop voyants ou malhabiles. D’autres se trouvent en situation « périphérique » tandis que d’autres encore retournent la violence sur eux-mêmes en adoptant des comportements autodestructeurs.

Nous avons repris la définition que donne Thomas Sauvadet des « jeunes de la cité », à savoir des jeunes dont les « positions sont centrales », où le positionnement s’explique par « l’hypertrophie sociale de l’espace résidentiel ». Ce concept souligne la centralisation croissante des relations sociales sur la zone d’habitation, dynamique résultant de différents facteurs à caractère socio-économique évident: éloignement du domicile familial déscolarisation, chômage, refus du travail ingrat et précaire, faible pouvoir d’achat freinant toute mobilité, harcèlement policier et harcèlement des services de sécurité privés hors de la cité, stigmates compliquant l’interaction avec des personnes « ordinaires (2) ».

Décrivant les sociabilités locales, Thomas Sauvadet oppose les « positions centrales dominantes » aux « positions centrales dominées ». Reprenant la catégorisation spontanée des jeunes, le chercheur retient trois catégories : « les chauds » dans une position centrale dominante, « les tox » et « les bouffons » dans une position centrale dominée. Tandis que « les chauds » préservent l’estime d’eux-mêmes en résistant, par la violence si nécessaire, au poids de l’exclusion et des discriminations, les deux catégories dominées développent des stratégies opposées :

• « Les tox » sont clairement en échec. Apathiques, ils se fondent dans le décor et trouvent dans la consommation de produits (essentiellement alcool et cannabis) une échappatoire à cet univers oppressant.
• « Les bouffons » s’en sortent par l’humour. Eux aussi peuvent être conduits à consommer

des drogues illicites selon l’accès qu’ils ont au trafic mais ces consommations ne définissent pas leur identité sociale qui relève du rôle qu’ils jouent dans le groupe.

À ces deux catégories, Thomas Sauvadet ajoute ceux qui sont considérés comme des « bourges ». Pour certains, ils habitent hors de la cité, par exemple dans les pavillons environnants, mais peuvent aussi habiter dans des cités caractérisées par leur mixité sociale. Il peut s’agir de jeunes qui revendiquent leur appartenance à la « street culture », ou de jeunes insérés ou en voie de l’être, qui conservent des liens avec les cités et restent attachés à leur quartier ou à leur communauté dont ils partagent le poids du stigmate, ou encore demeurent inscrits dans des systèmes d’échanges dans lesquels les produits psychotropes peuvent jouer un rôle.

Si nous souhaitions obtenir des entretiens auprès de ceux qui se définissent comme « jeunes des cités », nous savions que ces entretiens seraient des plus difficiles à obtenir. De plus, nous savions que des jeunes issus des cités, mais se différenciant de ce groupe, étaient actuellement des consommateurs de stimulants. Il ne pouvait être question de se limiter à ceux qui sont identifiés ou s’identifient eux-mêmes comme « jeunes des cités » pour les raisons suivantes :

a) Le groupe des jeunes visibles ne représente qu’une petite proportion des jeunes habitant dans des cités. Dès qu’un jeune s’investit dans des activités sportives ou culturelles hors de sa cité, dès qu’il acquiert un emploi ou même un stage, plus encore lorsqu’il s’engage dans des études, il se différencie des « jeunes de la cité ». Nombre de jeunes – dont près la moitié de ce corpus – ont ainsi fréquenté un temps le groupe des jeunes, dont les sociabilités sont organisées dans le cadre exclusif du quartier, pour ensuite prendre de la distance.

b) Il peut y avoir des perméabilités entre les différents groupes ou différentes trajectoires de jeunes. Si, comme le pense Thomas Sauvadet, la cocaïne, associée aux valeurs de réussite, est introduite par le biais des « chauds », certains usagers, marginaux au regard du groupe dit « central », peuvent être des médiateurs entre les différents univers où les drogues sont consommées, la diversité des trajectoires étant constitutive de la circulation des produits et de leurs modes de consommation.

C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour une définition relativement large de l’habitat. Nous avons intégré deux jeunes habitant en zone pavillonnaire car ces jeunes peuvent être en relation avec des jeunes des cités, soit parce qu’ils fréquentent durant un temps un groupe de jeunes habitant une cité voisine, soit que des jeunes des cités choisissent de fréquenter ces jeunes vivant en pavillon lorsqu’ils préfèrent échapper aux sociabilités locales. Nous avons également intégré des jeunes n’habitant plus actuellement en cité, mais qui y ont passé leur enfance et leur adolescence. De plus, ces jeunes marginaux, au regard des sociabilités locales, pouvaient nous mettre en contact avec le cœur de cible, c’est-à-dire le groupe des jeunes visibles.

2°) L’appartenance au milieu populaire

Le milieu social d’appartenance a soulevé d’autres difficultés. L’expression « milieu populaire » fait référence à une analyse des classes sociales de la société industrielle. L’expression rend difficilement compte de la multiplicité des trajectoires de ceux qui habitent actuellement dans les cités, d’autant que les cités HLM se différencient selon les types de populations accueillies, leur histoire, leur implantation géographique ou encore les réhabilitations et projets urbains.

Les enquêteurs ont eu comme consigne de recruter des jeunes appartenant à un milieu populaire, mais leurs critères se sont révélés quelques peu subjectifs. Quelques exemples illustrent les difficultés rencontrées lors du recrutement.

Une enquêtrice a été très surprise lorsque nous avons discuté de l’intégration de Lolotte (24 ans) dans le corpus. Cette jeune femme a vécu quatre années en squat. Ses amis sont en majorité dans des situations marquées par la précarité mais ses parents appartiennent aux classes moyennes (le père est cadre commercial, la mère est comptable).

L’interprétation quant aux catégories socioprofessionnelles (CSP) s’est avérée d’autant plus problématique que les informations données par les jeunes interviewés manquent de précision. Les trajectoires sociales des parents, ascendantes ou descendantes, complexifient l’évaluation de l’appartenance de classe.

Les parents d’Hakim ont acquis un commerce, après 18 ans passés dans une cité. La famille d’Hakim faisait-elle partie des classes moyennes au Maroc ou bien s’agit-il d’une trajectoire d’ascension sociale ?
Autre difficulté, la CSP de la mère et celle du père peuvent être discordantes. Une mère qui élève seule ses enfants peut être contrainte de vivre dans une cité HLM compte tenu de la baisse de ses revenus sans pour autant avoir le sentiment d’appartenir aux classes populaires. Dans la cité, elle pourra être définie comme « une bourgeoise ».

Pour les étudiants, on peut supposer qu’il s’agit de jeunes en ascension sociale. Toutefois nombre d’incertitudes pèsent sur le devenir des étudiants en 1e année d’anglais, de psychologie ou de sociologie. Tous ces étudiants sont contraints d’accepter des emplois précaires afin de financer leurs études. La prostitution, devenue depuis quelques mois la source des revenus d’un des étudiants, ne peut manquer d’être interprétée comme l’entrée dans un parcours de désinsertion. Toutefois l’avenir de ce jeune n’est pas tracé d’avance. C’est d’ailleurs le cas d’une grande partie de ce corpus, particulièrement ceux qui, comme Manor, Hakim ou Tony, alternent les périodes de chômage et les emplois précaires. Ces trajectoires sont marquées par des aléas qui sont caractéristiques des populations vivant actuellement dans les quartiers dits « sensibles ».

1.6. Les sites d’intervention

Dans l’appel d’offres, il était demandé que l’enquête soit menée auprès de jeunes identifiés dans des sites définis. Dès la rédaction du projet, nous avons précisé qu’il était impossible de se limiter à des entretiens recueillis sur site. L’enquête exploratoire avait précisément pour objectif de contourner la difficulté initiale, c’est-à-dire l’impossibilité d’entrer en contact sur site avec des jeunes usagers. Nous avons donc proposé :

1°) de conduire des entretiens hors sites, à la condition qu’il s’agisse de jeunes de milieu populaire, habitant dans une cité ou dans son environnement immédiat ;

2°) de maintenir trois sites correspondant aux lieux d’intervention de l’équipe de Sida Paroles, à savoir :

• Les cités de Colombes et Gennevilliers
• La consultation « jeunes consommateurs » à l’université de Nanterre
• Les cités et la ville de Nanterre, situées en périphérie de la Faculté (quartiers des Provinces Françaises, Pablo Picasso, les Cannibouts, les Pâquerettes…)

Lors de la deuxième réunion du comité de pilotage, le 12 mars 2006, il nous a fallu reconnaître qu’il était exclu d’espérer recueillir des entretiens dans les cités de Gennevilliers et de Colombes où l’équipe Sida Paroles intervient. L’enquête exploratoire s’est en effet déroulée au premier semestre 2006, soit immédiatement après les émeutes de 2005. La situation particulièrement tendue, le renforcement de la présence policière et la suspicion envers toute présence étrangère ont redoublé les difficultés des équipes de rue.

En revanche, la consultation «jeunes consommateurs» à proximité de l’université de Nanterre a été une des voies d’accès au terrain. Les stationnements sur le parking du RER, à la station Nanterre-Université, ont permis d’entrer en relation avec des étudiants, mais également des jeunes habitant les cités environnantes. La tenue de stands réguliers, à caractère culturel, offrait ainsi un espace dé-stigmatisé, propice à l’établissement de relations. Le projet de cette antenne est d’adapter les outils d’intervention issus du milieu festif. Le profil des usagers interviewés dans le cadre de cette enquête exploratoire montre l’utilité de la démarche : ces usagers, contactés en milieu urbain, se définissent comme des usagers festifs, même si, comme le montrera l’analyse des entretiens, le rapport aux produits présente des spécificités qui rendent nécessaires le développement d’outils adaptés. Plus encore que les spécificités de l’usage, c’est le contexte de ces consommations qui doit être pris en compte. L’observation du terrain sur les sites d’intervention a contribué à l’analyse des entretiens. Elle a permis de contextualiser la parole des usagers (voir infra 2.3.)

1.7. Le déroulement de l’enquête

L’enquête s’est déroulée de janvier à juin 2006. Vingt entretiens ont été enregistrés et analysés. Deux entretiens supplémentaires sont parvenus après le 15 juillet. Ils n’ont pas été intégrés dans le corpus mais ils ont fait l’objet d’une lecture attentive. Or ces entretiens n’apportaient aucune information supplémentaire ni sur les modes de consommation ni sur les prises de risques. Indirectement, ils attestent de l’inutilité de poursuivre plus avant le recueil de données dans le dispositif actuel.

Deux journées de formation des enquêteurs ont été animées par Anne Coppel et Astrid Fontaine. Ces journées ont été organisées par l’équipe de Sida Paroles. Les étudiants ont été recrutés par Georges Lachaze, responsable de la « consultation jeunes » à l’Université de Nanterre. Au total 18 personnes ont été formées.

Deux ateliers d’analyse ont été organisés au cours du recueil des données. Ils ont permis de réorienter le recueil des données et d’assurer une guidance méthodologique. C’est aussi dans ce cadre que l’analyse des entretiens a été confrontée à l’observation du terrain.

Le rapport de recherche a été rédigé de juin à septembre par Anne Coppel, en intégrant les comptes-rendus des ateliers d’analyse des données rédigés par Astrid Fontaine.

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