L’impact négatif de la guerre contre la drogue sur la santé publique : l’épidémie cachée d’hépatite C

UN RAPPORT DE LA COMMISSION GLOBALE DE POLITIQUE EN MATIÈRE DE DROGUES
L’hépatite C est une infection virale chronique, fortement répandue, qui pose des problèmes majeurs de type économique, social et sanitaire, particulièrement dans les pays à revenus faibles et intermédiaires. Pourtant, bien que l’épidémie mondiale d’hépatite C ait été décrite par l’Organisation Mondiale de la Santé comme « une bombe à retardement virale », elle ne reçoit toujours pas l’attention requise. L’accès aux services de prévention demeure insuffisant, tandis que les diagnostics et les traitements restent inaccessibles pour la plupart des personnes dans le besoin, en raison de leur coût prohibitif. La reconnaissance publique du problème et la volonté politique manquent, alors que les programmes nationaux de gestion de l’épidémie restent l’exception.
Le virus de l’hépatite C est robuste et il est très facilement transmis par contact sanguin. Cette épidémie connaît par conséquent une très forte progression chez les personnes qui s’injectent des drogues : on estime à 10 millions (sur une population de 16 millions) le nombre de consommateurs qui vivent avec le virus. Dans les pays les plus répressifs, la plupart des personnes qui s’injectent des drogues sont touchées ; c’est le cas de la Thaïlande ou de certaines régions de la Fédération de Russie, qui connaissent des taux de plus de 90% d’infection.
Le virus de l’hépatite C est très handicapant et pour un quart des malades infectés, l’issue sera fatale. Il devient donc une cause croissante de mort prématurée chez les personnes qui s’injectent des drogues. Globalement, la plupart des consommateurs malades du SIDA sont aussi infectés par l’hépatite C. Les dispositifs de réduction des risques – comme la mise à disposition d’aiguilles et de seringues propres ainsi que les traitements de substitution par les opiacés – peuvent efficacement empêcher la transmission de l’hépatite C parmi les personnes qui s’injectent des drogues, à condition que ces mesures soient accessibles et mises en œuvre à grande échelle.
Au lieu d’investir dans une prévention efficace et dans des programmes de traitement pour atteindre ces objectifs, les gouvernements continuent à gaspiller des milliards de dollars chaque année pour la répression et l’incarcération des usagers de drogues. Il s’agit d’une dilapidation de ressources publiques qui pourraient être beaucoup plus efficacement utilisées pour la santé publique et les approches préventives.
Par ailleurs, les politiques répressives antidrogues ont accentué la stigmatisation, la discrimination et l’incarcération massive des usagers de drogues ; facteurs qui expliquent que les nouveaux cas d’infection par l’hépatite C n’ont pas connu, parmi les usagers de drogues, de diminution massive. Cet échec des gouvernements à contrôler cette épidémie est lourd de conséquences et entraînera dans le futur des coûts accrus pour la santé et l’assistance sociale dans de nombreux pays.
En 2012, la Commission globale de politiques en matière de drogue a publié un rapport qui souligne à quel point « la guerre contre la drogue » a contribué à l’explosion de l’épidémie du SIDA parmi les personnes qui s’injectent des drogues. Le présent rapport attire l’attention sur l’hépatite C comme autre danger d’épidémie mortelle massive pour cette population. Le rapport fournit une vue d’ensemble des conséquences liées à une infection par le virus de l’hépatite C, avant d’explorer les raisons de l’échec à endiguer cette épidémie, dans la logique actuelle de la « guerre contre la drogue ».
Le silence sur les dégâts collatéraux majeurs des politiques répressives sur les drogues a été rompu. Elles sont inefficaces, violent les droits humains fondamentaux, engendrent la violence et exposent les individus et les communautés à des risques inutiles. L’épidémie d’hépatite C en fait partie alors que cette maladie est évitable et curable à condition que la santé publique soit au cœur des politiques publiques en matière de drogues. Le temps d’une réforme en profondeur de ces politiques est arrivé.
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