Entre prohibition, santé publique et régulations sociétales

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Histoire et principes de la réduction des risques

Chapitre d’Anne Coppel. Livre édité par Médecins du Monde


 
Les aliments seuls exceptés, il n’est pas sur terre de substances qui aient été aussi intimement associées à la vie des peuples dans tous les pays et dans tous les temps. L’homme les utilise au fond des forêts primitives, sous la hutte de feuillage, […] les hommes les utilisent dans la splendeur de la civilisation. […] Chez les uns, elles éclairent la plus profonde nuit des passions avec les impuissances morales, chez les autres, elles accompagnent les heures de joie les plus extensivement claires, les états les plus heureux du bien-être moral ou de la sérénité », écrit Louis Lewin en introduction à Phantastica, un des premiers ouvrages de synthèse sur les psychotropes, publié en 1924 (1). Pendant des millénaires en effet, les hommes ont consommé ce que nous appelons aujourd’hui des drogues, mais il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour que les hommes de sciences regroupent ces « excitants artificiels du cerveau » et mettent en place les premières politiques de santé publique. À l’époque, le principal fléau social est l’alcool, mais en instaurant la prohibition de l’opium et autres substances stupéfiantes, les conventions internationales de 1909 et 1912 vont créer le cadre d’un régime d’exception qui va démultiplier la dangerosité intrinsèque des produits. À ce titre, l’histoire des drogues, illicites par définition et opposées aux médicaments, commence il y a exactement un siècle. Pourquoi ce régime d’exception a-t-il été adopté ? Comment les politiques de santé du XIXe siècle ont elles été progressivement détournées et mises au service de la lutte contre « la » drogue ? Pourquoi font-elles aujourd’hui un retour en force ? Sur quelles régulations de l’usage reposent-elles ? Quelles futures politiques de drogues peut-on espérer ?
 

Avant que les drogues ne soient des drogues

L’histoire des drogues est aussi celle de leur contrôle, mais jusqu’au XIXe siècle, et à quelques exceptions près, les hommes ont coexisté avec ces substances sans avoir le sentiment qu’il y avait là un fléau qu’il fallait combattre. Dans les sociétés traditionnelles, les drogues ne sont évoquées que pour leur rendre grâce. Les Mayas louaient « la chair des dieux », les champignons sacrés qui ouvrent à l’immortalité, les Incas révéraient Mama Coca, la déesse de la santé et de la joie ; et c’est aussi « la plante de la joie » que, 4 000 ans av. J.-C., les tablettes sumériennes célèbrent. Considéré par des ethnologues comme Peter Furst comme

« une des expériences fondatrices de la culture humaine », l’usage des psychédéliques dans les sociétés traditionnelles a une fonction religieuse, qui peut aussi être thérapeutique (2). Dans certaines cultures, seul le chaman a accès à la plante sacrée par laquelle il s’incorpore le pouvoir de l’esprit, mais les consommations peuvent aussi être collectives lors de fêtes qui contribuent à l’intégration de l’individu dans le groupe. L’usage individuel est également attesté, au moins dans l’Antiquité. Hélène, accueillant le fils d’Ulysse, lui offre, avec le népenthès « une drogue endormant toute colère et toute peine », où, sans doute, le vin était mêlé à l’opium. Des dangers de l’opium, l’Antiquité ne retient que l’empoisonnement. Seul le vin a suscité des débats. Dionysos- Bacchus est un étranger que les Athéniens décident d’honorer plutôt que de proscrire. Et Platon, dans Le Banquet, prend sa défense en ces termes : « Ne vilipendons pas le présent de Dionysos en prétendant qu’il s’agit d’un cadeau empoisonné qui ne mérite pas qu’une république accepte son introduction. […] Il suffira qu’une loi interdise aux jeunes de goûter le vin avant dix-huit ans et impose à l’homme de moins de trente ans d’y goûter de manière mesurée, en évitant absolument de s’enivrer par excès de boisson ». Et Platon de réserver l’ivresse aux hommes d’un certain âge, « remède aux rigueurs de la vieillesse », « pour nous rajeunir », car il peut être bénéfique « de céder à l’ivresse une ou deux fois de temps en temps, comme le recommande Hippocrate » (3).

Au-delà du rejet des drogues, le monde moderne trouve suspecte toute modification des états de conscience. L’extase ou l’illumination sont volontiers interprétées comme les symptômes d’une pathologie mentale. Quant à l’ivresse, au mieux, elle prête à rire, mais plus souvent, elle provoque dégoût et opprobre. Y compris lorsqu’il boit, l’homme moderne doit faire la preuve de sa capacité de contrôle. Les sociétés traditionnelles ont au contraire cultivé les différentes techniques qui permettent de perdre le contrôle de soi, tels le jeûne, la solitude, l’absorption dans une tâche, mais aussi l’ivresse qui ouvre un chemin vers la divinité. Dans Les Rites de passage, publiés en 1909, l’ethnologue Arnold Van Gennep attribue aux drogues qui modifient l’état de conscience une fonction de passage entre les différents rôles et identités, tels le passage de l’enfance à l’âge d’homme, celui du berger au guerrier, ou encore le passage entre le monde des vivants et le monde des morts (4). En Occident, seul l’alcool est autorisé dans cette fonction de passage entre le labeur et la fête, mais il n’est pas de fête sans ivresse : « Ils sont si pleins de vin qu’ils ne savent ce qu’ils font, ils sont si ivres qu’ils ne peuvent se soutenir. Venez, disaient-ils, prenez du vin, remplissons- nous jusqu’à nous enivrer et nous boirons demain comme aujourd’hui et encore davantage » (Ancien Testament, Isaïe 56:12) (5). C’est aussi que l’ivresse est nécessaire au changement : il faut oublier les contraintes du quotidien pour entrer dans la fête, oublier l’interdit de tuer pour devenir un guerrier, oublier le langage des hommes pour parler avec les dieux.

La construction du problème au XIXe siècle

L’ivrognerie est devenue un fléau social au XIXe siècle, qui est aussi le siècle des premières « épidémies ». La terminologie médicale s’impose avec l’alcoolisme, défini comme maladie par Magnus Huss, un médecin suédois, en 1849, puis avec le débat suscité par la diffusion massive de l’opium en Chine. La Chine a longtemps été fermée à tout commerce extérieur, mais a d’abord ouvert quelques ports où elle vendait du thé, de la soie, de la porcelaine. Au cours du XVIIIe siècle, la Grande- Bretagne développe progressivement un commerce fructueux ; plutôt que de payer en argent les marchandises chinoises, elle impose d’échanger l’opium cultivé dans sa colonie indienne contre les richesses chinoises. Les Chinois consommaient traditionnellement de l’opium comme médicament, mais ils ne le fumaient pas et ne le consommaient pas pour le plaisir. Cette pratique se diffuse lentement. Si les dangers de l’opium ne sont pas encore bien identifiés, l’empire chinois ne trouve pas son intérêt dans ce commerce et prend la première mesure de prohibition de l’opium en 1729 d’abord, puis à nouveau en 1800. Comme le trafic se poursuit néanmoins, il décide de fermer les ports chinois ; les Britanniques contournent l’interdit avec un marché noir de l’opium, un commerce de plus en plus lucratif. C’est le début d’une escalade qui va conduire à une véritable guerre que les Britanniques mènent au nom de la liberté du commerce, tandis que le nombre d’opiomanes ne cesse d’augmenter. La Chine se révèle incapable de résister ; elle est contrainte de capituler. Ce sera d’abord le traité de Nankin, signé en 1842, qui contraint la Chine à ouvrir cinq ports ainsi qu’à payer des indemnités de guerre. Les conséquences financières de cette défaite pèsent lourdement, mais la diffusion de l’opium se poursuit, et en Grande-Bretagne même un débat s’ouvre sur la liberté de commerce exigée par les marchands et les effets désastreux de l’opium, dénoncés par les religieux, en particulier les quakers, partisans de la prohibition. En Chine, un nouvel empereur décide de fermer à nouveau les ports aux commerçants étrangers, qui poursuivent néanmoins leur commerce illégal, en corrompant les fonctionnaires. En 1856, le bateau d’un contrebandier anglais est arrêté, et l’Angleterre décide alors de prendre les armes, avec l’aide des Français. En 1857, la ville de Canton est bombardée par les Anglais et les Français, puis Pékin tombe, en 1860. Le traité de Pékin ouvrira les portes de la Chine aux étrangers, britanniques, mais aussi français, russes et américains. La Chine est ravagée ; confrontée à la culture occidentale, elle n’aura plus les moyens de résister. Quelque 100 millions de chinois seraient devenus dépendants de l’opium, phénomène qui a souvent été qualifié de « plus grande épidémie du monde » (6). Les puissances coloniales n’ont aucun scrupule à vendre de l’opium, y compris par la force, aux nations colonisées, comme le montre l’exemple de la France avec la régie de l’opium en Indochine, qui perdurera jusqu’à la fin de la colonisation (7). Au même moment, en Occident, un médicament moderne, la morphine, suscite l’enthousiasme des médecins et de leurs patients, car lorsqu’elle est injectée, elle soulage immédiatement la douleur. Utilisé une première fois pendant la guerre de 1870 contre la Prusse, le médicament miracle s’échappe des cabinets médicaux au cours des années 1880-1890 pour devenir une véritable mode associée à la décadence à la fin du XIXe siècle. Le diagnostic de « maladie » est alors posé et la morphinomanie devient la première des toxicomanies occidentales. Qu’elles concernent l’alcool, l’opium ou la morphine, ces toxicomanies historiques sont des produits de l’industrialisation ; le paysan obligé de travailler en usine, le Chinois confronté à la culture occidentale, la comtesse qui doit s’incliner devant la bourgeoisie triomphante, tous sont contraints de renoncer à leur identité traditionnelle et aux valeurs qui y étaient attachées. Les appartenances culturelles traditionnelles sont en quelque sorte noyées dans l’ivresse, mais à la différence des usages ritualisés, rien ne guide celui qui consomme vers la construction de nouvelles identités. Pour les paysans comme pour les Chinois ou les « morphinées » du XIXe siècle, la confrontation avec le monde industriel occidental et individualiste passe par un saut dans l’inconnu (8).

L’abus de psychotropes est ainsi directement lié à la brutalité des changements sociaux, d’autant plus violents qu’ils sont imposés aux paysans comme aux Chinois. Le rapport aux drogues se joue différemment pour les élites qui, en Occident, vont rechercher ce changement. Du milieu du XIXe siècle jusqu’à la fin des années 1920, la plupart des artistes et écrivains expérimentent les drogues, qui, comme le haschich ou l’opium, ouvrent les portes de l’exotisme et qui, à travers la découverte de l’autre, mènent aussi, par la traversée de son propre intérieur mental, à la découverte de soi. Au cours du XIXe siècle, les drogues ont fonctionné comme un laboratoire de la construction de nouvelles subjectivités. Les expérimentations se succèdent, elles sont à l’origine de l’imaginaire des drogues, qui fait alterner fascination et rejet, passions individuelles et peurs collectives, liberté et asservissement.

À la demande symbolique s’ajoute une demande purement fonctionnelle, le soulagement de la douleur. La morphine, obtenue en isolant un des alcaloïdes de l’opium, devient un médicament d’autant plus efficace qu’il est injecté. Si dès 1870 médecins et patients s‘enthousiasment pour ce médicament miracle, c’est qu’il promet un monde sans douleurs, qu’elles soient physiques ou morales. Avec les médicaments psychotropes, l’homme moderne prétend échapper à la condamnation ancestrale, une exigence qui va profondément modifier notre rapport au corps et à la souffrance. Les médecins découvrent toutefois assez vite, souvent par leur expérience propre, que ce médicament peut susciter une demande insatiable. Il ne peut être question de renoncer au soulagement de la douleur, mais cette demande va contribuer à la prise de conscience de la nécessité d’une réglementation, d’autant plus nécessaire que les nouvelles substances chimiques se multiplient, chaque fois plus puissantes, morphine, éther, cocaïne, et enfin héroïne à la fin du XIXe siècle, avant que la recherche n’explore toutes les possibilités des substances psychotropes.

Un dernier facteur contribue à la construction des drogues comme problème, la circulation mondiale des produits. Cette circulation des produits est bien antérieure à la société industrielle, mais jusqu’au XIXe siècle, la diffusion des produits est lente, au rythme des caravanes ; elle laisse le temps de l’appropriation des modes de consommation. Les nouveaux modes de transport, les conquêtes coloniales associées, la diffusion mondiale des marchandises, avec l’industrialisation, démultiplient les échanges, sans que les modes d’emploi des produits en soient connus. Leur diffusion internationale est aussi liée à l’industrialisation de la pharmacie, qui rationalise les processus de fabrication mais également les techniques de vente.

Les politiques de santé publique du XIXe siècle

Ces trois logiques – croissance des demandes, amplification des modes de circulation, invention de nouvelles substances chimiques – ont engendré les toxicomanies modernes, qui échappent aux régulations traditionnelles de l’usage. Elles sont à l’origine des premiers dispositifs d’intervention, avec une quatrième logique, l’invention des politiques sanitaires et sociales. L’ordre social cessant d’être considéré comme intangible, la société doit s’inventer elle-même et l’État acquiert une nouvelle responsabilité : protéger les citoyens contre les maux, tels que la pauvreté, désormais considérés comme sociaux. Les premières réglementations ne sont nullement spécifiques aux drogues. Aux États-Unis, le Pure Food and Drug Act de 1906 traite les drogues au même titre que tous les autres produits de consommation : le consommateur doit être informé de la nature des produits qu’il achète. En Europe, les réglementations s’inscrivent dans le dispositif sanitaire et social naissant. Les premières mesures visent à contrôler les préparations artisanales des sirops, potions et autres médecines, dangereux parce que mal dosés : il faut réglementer les produits, indiquer les quantités sur les étiquettes et le contrôle en est délégué aux professionnels de santé, organisés dans des instances administratives. Ces professionnels sont également chargés de veiller à la bonne santé et à l’hygiène des populations. Armés de la statistique sociale, les médecins comptabilisent les malades, repèrent les évolutions, procèdent à des descriptions cliniques. Ils se chargent enfin de l’éducation des masses populaires. Les dangers des drogues sont ainsi dénoncés, mais sans investissement excessif ; si les poisons de l’esprit intéressent les médecins, ils n’en font nullement un cheval de bataille, et se consacrent plus volontiers à la lutte contre les trois fléaux de l’époque : les maladies vénériennes, la tuberculose et l’alcoolisme.

La prohibition des drogues, une politique venue d’Amérique

Le modèle européen d’intervention s’ancre dans une expertise professionnelle, essentiellement médicale et étroitement liée à l’État. Aux États-Unis, un autre modèle s’invente, fondé sur l’interdiction du produit, la criminalisation de l’usager et une mobilisation de l’opinion, avec une communication dramatisante. Alors que les professionnels de santé sont peu organisés et beaucoup moins puissants qu’en Europe, trois forces sociales vont concourir à l’élaboration de ce modèle : les ligues de tempérance des réformateurs sociaux, essentiellement des quakers, les syndicats ouvriers blancs et, enfin, la presse grand public. Ces trois forces sociales n’ont pas les mêmes enjeux, mais leur conjonction aboutit à une diabolisation des drogues, qui est aussi une diabolisation de l’Étranger. Les réformateurs sociaux ne sont pas particulièrement racistes ; les ligues de tempérance qu’ils animent dénoncent essentiellement les ravages de l’alcool, au nom de valeurs chrétiennes et humanistes. Ces « entrepreneurs de morale », pour reprendre la formule du sociologue américain Howard Becker, entendent protéger l’homme contre lui-même (9). Leur motivation n’a rien à voir avec celle des syndicats blancs. Ceux-ci se trouvent dans une situation de concurrence avec les Chinois, recrutés en nombre par les compagnies ferroviaires dans l’Ouest, avec les anciens esclaves noirs, dans le Sud, et avec les Chicanos, tout le long de la frontière avec le Mexique. C’est dans ce climat qu’ils exigent des mesures d’interdiction de l’« opium des Chinois », de la « cocaïne des Noirs », et, au cours des années 1930, de la « marijuana des Chicanos » (10). Les réformateurs comme les syndicats font appel à l’opinion publique avec des campagnes dramatisantes. La presse grand public américaine, qui connaît alors un développement rapide, illustre ces campagnes de faits divers qui exploitent les peurs populaires en associant drogues, crimes et races. Le scénario est toujours le même : de jeunes Blancs et plus encore de jeunes Blanches sont victimes des turpitudes d’affreux maniaques jaunes ; les Noirs eux sont réputés pour consommer de la cocaïne, qui les conduit au crime. Les premières mesures d’interdiction sont prises à San Francisco, en 1875, contre les fumeries d’opium, et dans l’Illinois en 1877 contre la vente de cocaïne. Si le Dr Hamilton Wright, un de ces prédicateurs puritains, fait également campagne contre l’opium, ce n’est pas tant les Chinois qu’il vise que les Américains blancs des classes moyennes, dont, selon son estimation, plus d’un million seraient consommateurs d’un médicament à base d’opium en 1911. C’est que, outre les préparations à base d’opium vendues dans les campagnes par de soi-disant médecins, les nouveaux médicaments de l’industrie pharmaceutique allemande, héroïne et morphine, ont bénéficié d’une publicité massive. Le Dr Wright veut obtenir une loi fédérale de prohibition, mais il comprend qu’il lui faut d’abord obtenir un contrôle international du commerce de l’opium. Associé à l’évêque anglican Charles Brent, le Dr Wright est la cheville ouvrière des premières conventions internationales. Après les déclarations de principe à Shanghai en 1909, la convention de La Haye en 1912 fait obligation aux douze États signataires d’élaborer des législations nationales, et c’est armé de cette convention que le Dr Wright obtient en 1914 le Harrison Narcotics Tax Act. Même si cette mesure législative se présente comme une simple taxation des médicaments, il s’agit bien d’une loi de prohibition, puisque ces produits deviennent des médicaments qui doivent être prescrits par un médecin. Les organisations professionnelles de santé ont désormais le monopole des substances stupéfiantes ; elles ont été favorables à cette nouvelle réglementation et elles vont aussi contribuer à la prohibition de l’alcool, qui sévira de 1919 à 1933. Le cadre législatif impose désormais sa logique propre , qui contraint progressivement la médecine à s’y soumettre.

Quand la santé est mise au service de la prohibition

Une machine infernale est en route ; elle est à l’origine d’instances nationales et internationales dont le développement obéit à une logique interne. Et pourtant la plupart des pays signataires des premières conventions n’étaient nullement convaincus de la nécessité de ce contrôle international. La France, comme la Grande-Bretagne, tire de grands profits de la production et de la distribution de l’opium dans ses colonies, tandis que l’Allemagne tient à préserver les intérêts de son industrie pharmaceutique ; ces pays ont d’abord obtenu la préservation de leurs profits. L’harmonisation des politiques nationales et internationales se construit par étapes tout au long du XXe siècle, et elles vont progressivement modifier le rapport de force entre médecine et justice. Les politiques des drogues avaient été dominées par la médecine au XIXe siècle, mais au fur et à mesure de la progression des consommations hors la loi, les pratiques policières devinrent dominantes. Le changement du rapport de force entre médecine et justice est d’abord difficilement perceptible, parce qu’en Europe les professions médicales restent puissantes. Ainsi, en Grande-Bretagne, la toxicomanie est définie avant tout comme une maladie par le comité Rolleston en 1926, et comme toute maladie, elle relève d’une expertise de santé publique. Cette maladie étant considérée comme chronique, les médecins sont chargés de prescrire à leurs patients les produits dont ils sont dépendants. Jusqu’à la fin des années 1960, cette politique de santé donne toute satisfaction ; les usagers de drogues anglais sont peu nombreux, en bonne santé et bien insérés, au contraire des toxicomanes américains, traités comme des délinquants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au début des années 1960, des médecins américains feront du « système anglais » une référence qui justifiera l’expérimentation de la méthadone. Mais avec la consommation de drogues chez les jeunes des années 1960 et 1970, le modèle médical britannique est mis à mal. Les médecins généralistes renoncent pour la plupart à prescrire à ces jeunes usagers et le marché noir se développe rapidement. La tradition de santé publique perdure toutefois, ce qui permettra à la Grande-Bretagne de faire face très rapidement à l’épidémie de sida.

En France, la configuration est très différente, parce que traditionnellement la toxicomanie n’est pas considérée comme un problème de santé publique, mais comme relevant d’une clinique individuelle, traitée par les aliénistes au XIXe siècle, puis par les psychiatres. À la fin du XIXe siècle, la prohibition est demandée par les médecins hygiénistes, qui souhaitaient aussi la prohibition de l’alcool ; mais la première loi de prohibition, votée en 1916, se contente d’interdire l’absinthe. Les alcooliers veillent au grain, et ils sont d’autant plus audibles que manifestement les Français ne veulent pas renoncer au vin. Dans les années 1920, la cocaïne devient une mode, malgré la loi de prohibition, mais des années 1930 à la fin des années 1960, les usagers de drogues sont, comme en Grande-Bretagne, très peu nombreux : quelques artistes, des militaires de retour des colonies, quelques médecins ou pharmaciens. Les toxicomanies classiques, la morphine décadente des années 1890, l’opium des esthètes, la cocaïne festive ou crapuleuse des années 1920 sont tombées dans l’oubli sans que l’on comprenne très bien comment s’est achevé ce premier cycle de consommation de drogues. Les responsables politiques, experts médicaux, magistrats ou policiers, n’ont pas de doute : ils y voient la preuve de l’efficacité de la prohibition.

Aussi en 1970, alors que surgissent les premiers jeunes usagers de drogues, le renforcement de la répression s’impose comme une évidence. Les experts médicaux sollicités par le ministère de la Santé ne sont pas convaincus que l’incarcération soit une bonne réponse à l’usage de drogues, mais ils espèrent que la peur de la sanction protégera la France d’une épidémie qui, à l’époque, frappe essentiellement les pays anglo-saxons. La répression de l’usage, la prévention limitée au « non à la drogue », le traitement pour « sortir de la toxicomanie », tels sont officiellement les trois volets de la politique de lutte contre la toxicomanie depuis la loi de 1970. Qu’est-ce que la toxicomanie ? Y a-t-il une dépendance qui soit propre aux drogues illicites ? Ces questions ne sont pas posées parce que la prohibition des drogues s‘impose comme une évidence. Officiellement, la loi a été mise au service de la santé. Et pourtant, alors que l’ONU avait chargé l’Organisation mondiale de la santé de donner une définition médicale de la toxicomanie, les experts, malgré tous leurs efforts, avaient dû renoncer à cette terminologie pour adopter en 1969 le terme de « pharmacodépendance », qui ne permet pas de départager les drogues illicites des drogues licites et des médicaments. Ces experts, il est vrai, se gardent bien d’afficher leur désaccord avec la définition juridique de la toxicomanie – que les hommes de loi attribuent aux médecins… Il n’y a pas de justification médicale à la prohibition, mais il faudra que la santé publique soit réellement menacée, avec l’épidémie de sida, pour que les experts appliquent au champ des psychotropes les concepts et les méthodes qui sont les leurs et se fassent entendre.

La réduction des risques liés à l’usage, un retour aux sources des politiques de santé publique

Changer la politique des drogues en distribuant des seringues ? Voilà une ambition qui peut sembler hors de propos. Il aura fallu la menace du sida et la situation catastrophique des usagers d’héroïne, des années 1980 au milieu des années 1990, pour que la France accepte d’expérimenter un dispositif de réduction des risques, limité officiellement aux risques infectieux. En 1994, Simone Veil, alors ministre de la Santé, obtient du gouvernement français l’autorisation de développer ce dispositif à la condition sine qua non de ne rien changer à la politique des drogues. C’est que distribuer des seringues implique de s’en servir. Il y a bien une contradiction entre la pénalisation et la reconnaissance de l’usage comme un fait. Compte tenu de ses excellents résultats, la réduction des risques a été officialisée puis inscrite dans la loi de santé publique de 2004, mais le dispositif institutionnel a été étroitement marginalisé. Et pourtant, il a suffi d’ajouter cette pièce supplémentaire pour modifier profondément les pratiques de soins comme les pratiques de prévention. Pour les acteurs de la santé, il est aujourd’hui évident que la lutte contre les toxicomanies ne doit pas faire exception : elle doit relever de la santé publique, que les psychotropes soient licites ou illicites. C’est reconnaître qu’il n’y a pas de dépendance qui soit spécifique aux drogues illicites ; c’est aussi reconnaître que chaque psychotrope, qu’il soit licite ou illicite, a ses caractéristiques propres selon ses propriétés pharmacologiques et selon les risques et dommages liés à ses usages. C’est une première étape du changement de la politique des drogues, car à terme, il faudra bien reconnaître que l’usager doit relever de la santé et non de la justice. A minima, c’est un changement dans le rapport de force entre santé et justice (11).

Pour le Dr Gerry Stimson, l’un des promoteurs de cette politique en Grande- Bretagne, puis partout dans le monde, cette nouvelle politique est en fait « un retour aux sources » des premières politiques de santé, bien antérieures à la prohibition des drogues, puisqu’en Grande-Bretagne la première réglementation remonte au Pharmacy Act de 1868. À cette date, la vente d’opiacés avait été confiée aux pharmaciens ; les produits, devenus des médicaments, avaient été étiquetés en fonction de leur composition. Réglementation du produit, formation des professionnels de santé et information du public, tels étaient les principaux outils de cette politique de santé – politique toujours en vigueur pour les produits licites. Avec pour objectif exclusif l’éradication des drogues, la prohibition se substitue de fait aux politiques de santé. À quoi bon informer le public des différents risques ou dommages selon les produits, s’il suffit d’en interdire l’usage ? Il faut faire peur, et la guerre à la drogue se nourrit d’une mythologie diabolisante censée exorciser le mal. Les drogues sont présentées comme irrésistibles : il suffit d’y goûter une fois pour en devenir l’esclave : « Once addict, always addict », prétendait-on aux États-Unis, « drogué un jour, drogué toujours… »

Les régulations de l’usage de drogues

Les junkies semblent illustrer jusqu’à la caricature ces peurs collectives. Mais rappelons d’abord que, selon les résultats d’une étude menée à New York par les chercheurs Samuel Friedman et Don DesJarlais, près de 60 % des injecteurs d’héroïne de la rue – considérés a priori comme les usagers les moins susceptibles de contrôler leurs consommations – ont choisi, face à la menace du sida, de renoncer à partager leurs seringues dès 1985. Il n’y aurait pas eu de réduction des risques possible si les usagers n’avaient démontré qu’ils étaient en mesure de protéger leur santé, ne serait-ce qu’a minima, pour pouvoir continuer de consommer leur drogue. Les peurs collectives sont si prégnantes qu’elles font oublier l’expérience la plus quotidienne. Il ne peut y avoir d’usage sans contrôle qui détermine les quantités et les fréquences selon les modes de consommation, dont les usagers se communiquent entre eux les modes d’emploi. La criminalisation de l’usage et la stigmatisation sont à l’origine de sous-cultures des drogues qui tendent à enfermer les usagers dans les comportements les plus extrêmes. Les croyances qui justifient la prohibition font oublier que la règle générale est plutôt celle du contrôle de l’usage que celle de l’excès. Pour les drogues illicites comme pour l’alcool, le plus grand nombre expérimente l’usage sans pour autant devenir lourdement dépendant ; et même après des périodes de dépendance, nombreux sont ceux qui renoncent à ces consommations, le plus souvent sans traitement. Ceux qui n’y parviennent pas sont précisément ceux qui sont en demande de traitement médical et pour lesquels ces usages ont sans doute une fonction thérapeutique. Au-delà de ces trajectoires singulières, l’histoire des drogues est faite d’une succession d’engouements et de rejets, de changements dans les modes de consommation, qui ne sont pas déterminés par la loi, mais par les choix que font ceux qui en consomment. La prohibition de l’alcool a été un échec parce que les Américains n’ont pas voulu renoncer à consommer de l’alcool. À partir des années 1930 en Europe, les artistes et intellectuels européens se sont dépris des drogues (morphine, opium, héroïne, ou cocaïne), après avoir expérimenté les conséquences des excès. Entre montée du fascisme et communisme, la passion politique l’a emporté sur l’expérimentation de soi. La prohibition semblait fonctionner ; en réalité, c’est la demande de ce premier cycle de consommation qui s’était épuisée.

La situation est tout autre aujourd’hui. Depuis la fin des années 1960, la demande de produits psychotropes ne cesse de se massifier. Sans une information à laquelle elle puisse se fier, chaque génération expérimente par elle-même un type de produit associé à un mode d’usage, et chacune découvre à son tour les conséquences de l’abus et de la dépendance. C’est ce qui permet de comprendre la succession des cycles de consommation, qui vont de l’usage expérimental de la première génération contre-culturelle à l’usage dépendant de l’héroïne des années 1980. Puis ce sont les conséquences de l’abus de stimulants, cocaïne et crack, qu’ont expérimenté d’abord les Américains, entraînant un recul ou du moins une stabilisation de ces consommations. C’est ce que découvre en ce moment, semble-t-il, une part au moins des consommateurs européens.

S’il est une leçon à tirer de l’histoire des drogues, au-delà du discours simplificateur qui est aussi un discours de guerre, c’est la multiplicité des modes de consommation, des significations sociales que ces modes de consommation véhiculent, des types de problèmes avec lesquels ils sont intriqués mais aussi des réponses qui ont pu leur être apportées. « Drug, set, and setting », soit un produit, l’équation personnelle, un environnement, tels sont les trois facteurs qui rendent compte des différents usages, selon la théorie élaborée par le psychiatre américain Norman Zinberg dans un livre publié sous ce titre en 1986 (12). Sa recherche porte sur les contrôles de l’usage d’opiacés, habituellement considérés comme les plus incontrôlables des drogues. Comme le montre son travail, les trajectoires des usagers ne sont nullement inéluctables. Certains consomment de l’héroïne pendant une période de leur vie puis y renoncent sans recourir à un traitement (ce qui ne veut pas dire que cela soit facile). La croyance de l’époque « once addict, always addict » (« drogué un jour, drogué toujours ») se révèle donc fausse, comme l’ont aussi montré les études sur les vétérans qui, au retour de la guerre du Vietnam, ont en majorité renoncé à la consommation d’héroïne, à l’exception, le plus souvent, de ceux qui vivaient dans les ghettos ; le contexte s’avère donc déterminant. D’autres usagers d’héroïne en consomment leur vie durant et trouvent néanmoins le moyen de contrôler leur usage, même s’ils sont dépendants. Ce n’est pas nier les propriétés du produit, ce n’est pas nier non plus que des usagers peuvent perdre pied, mais c’est refuser le caractère inéluctable de la déchéance que décrivent les théories médicales sous l’emprise de la prohibition.

Nous vivons de fait avec de multiples drogues et médicaments, dont le tabac et l’alcool, et la diffusion de ces produits est plus que jamais internationale. On peut choisir de devenir abstinent à une drogue précise, mais il faut prendre acte que la majorité de nos contemporains coexistent avec ces différentes drogues, et le plus souvent, les hommes parviennent à le faire sans se mettre en péril. L’objectif de Norman Zinberg est d’identifier les facteurs qui favorisent les capacités de contrôle de l’usage. À cet égard, parce qu’il mobilise les ressources de l’usager au lieu de le rendre impuissant, ce psychiatre reste une référence majeure pour les politiques de réduction des risques liés à l’usage.

Pour une future politique des drogues

Norman Zinberg a décrit les contrôles spontanés ou les régulations sociétales de l’usage de drogues. La « guerre à la drogue » s’est efforcée de disqualifier ces régulations, mais ce n’est pas le cas des politiques de santé publique. Ce qui a fait l’extraordinaire efficacité des politiques de réduction des risques liés à l’usage, c’est qu’elles ont pris acte de l’expérience de la consommation en y ajoutant les acquis d’une expertise scientifique et médicale. Les outils de la réduction des risques sont le résultat d’une alliance entre usagers, praticiens et chercheurs. Cette alliance est aujourd’hui plus que jamais nécessaire face à la déferlante des produits accessibles sur Internet. L’information du consommateur devient ainsi le seul outil de régulation de l’usage. Aujourd’hui, cette information circule essentiellement peer to peer, d’usager à usager ; ces échanges d’expérience sont indispensables, mais ils ne sont pas suffisants. Les dispositifs, tels que Trend en France, qui collectent les produits consommés puis procèdent à des analyses toxicologiques, scellent une alliance nécessaire entre usagers de drogues et chercheurs.

Les politiques de santé publique ont déjà contribué à réduire l’emprise du marché noir avec les prescriptions médicales d’opiacés ou de cannabis thérapeutique aux usagers qui en ont besoin. Pour ce qui concerne les usages purement récréatifs, l’information du consommateur reste le principal outil de régulation de l’usage ; indirectement, c’est également un outil de régulation du marché. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais on peut espérer aboutir à des réglementations des produits qui répondent à la mission de protection de la santé. Jusqu’à présent, les seules politiques qui ont été en mesure de protéger effectivement la santé sont les politiques de santé publique qui ont allié expertise médicale et expérience de l’usage. Les multiples évaluations imposées aux actions de réduction des risques en ont fait la démonstration. Dans le champ de la santé, il y a désormais des acquis qui font consensus parmi les experts : dépénalisation de l’usage et de la détention pour consommation personnelle d’une part, actions de réduction des risques d’autre part. La prohibition des drogues y perd sa justification originelle. Il serait difficile de la mettre en cause si elle avait réussi à éradiquer les drogues, comme elle se l’était proposé ; or elle n’a même pas réussi à limiter la diffusion internationale des drogues ; au contraire, elle y contribue avec le développement en réaction d’un trafic international alimenté par une demande sans cesse croissante. L’escalade de la guerre à la drogue de ces vingt dernières années a en outre engendré des mafias de plus en plus puissantes, de plus en plus violentes, qui, avec la corruption, menacent la sécurité publique, les démocraties ainsi que les politiques de développement durable. Ce bilan catastrophique justifie une réforme des politiques des drogues. Un des pièges tient à cette politique internationale qui exigerait un consensus des nations et une bonne gouvernance des instances internationales… Autant dire qu’il est illusoire d’espérer un changement rapide. Du moins sait-on désormais comment procéder pour enclencher une logique de changement : avec la réduction des risques liés à l’usage, nous avons appris à prendre acte des réalités de l’usage, en confrontant l’expérience de la consommation aux acquis scientifiques. Prendre acte de la réalité du trafic pour en réduire les risques et les dommages ouvre un nouveau chemin. Espérons qu’il aboutisse à une politique des drogues plus efficace et plus solidaire, conforme aux exigences des droits humains dans une société démocratique (13).

Anne Coppel, sociologue, est spécialisée dans le domaine des politiques de lutte contre les drogues et contre le sida. De la recherche à l’action, elle est à l’origine de projets expérimentaux qui ont contribué à l’adoption de la politique de réduction des risques avec des actions de santé communautaire en Île-de-France, le Bus des femmes, un premier programme expérimental de méthadone en 1989, la création d’un centre de soins à Bagneux en 1993, puis à Paris en 1995. Militante associative, elle a animé le débat public depuis 1993 comme présidente de Limiter la casse, collectif interassociatif (dont faisaient partie Aides, MdM et Asud) puis de l’Association française de réduction des risques. Elle a contribué à l’écriture de nombreux articles et publications, et elle est l’auteur de trois ouvrages : Drogues, sortir de l’impasse, avec Olivier Doubre, La Découverte, 2012 ; Peut-on civiliser les drogues ? De la guerre à la drogue à la réduction des risques, La Découverte, 2002 ; Le Dragon domestique. Deux siècles de relations étranges entre les drogues et l’Occident, avec Christian Bachmann, Albin Michel, 1989.


Références :


1. Louis Lewin, Phantastica, 1924. Publié en France en 1928 sous le titre Les Paradis artifi ciels, aux éditions Payot ; réédité en 1996 (Société Édifor) sous le titre Phantastica. L’histoire des drogues et de leur usage.

2. Peter T. Furst, La Chair des dieux. L’usage rituel des psychédéliques, Le Seuil, 1974.

3. Antonio Escohotado, Histoire générale des drogues, tome 1, L’Esprit frappeur, 2003.

4. Arnold Van Gennep, Les Rites de passage, 1909, réed. J. Picard, 1992.

5. Voir aussi Véronique Nahoum-Grappe, Vertige de l’ivresse. Alcool et lien social, Descartes & Cie, 2010.

6. Anne Coppel et Christian Bachmann, Le Dragon domestique. Deux siècles de relations étranges entre la drogue et l’Occident, Albin Michel, 1989.

7. François-Xavier Dudouet, Le Grand Deal de l’opium. Histoire du marché légal des drogues, éditons Syllepse, 2009.

8. Anne Coppel, Le Dragon domestique, op.cit.

9. Howard Becker, Oustsider. Études de sociologie de la déviance, Métailié, Paris, 1985 (éd. originale 1963).

10. Thomas Szasz, Le Mythe de la drogue, L’Esprit frappeur, Paris, 1998.

11. Anne Coppel, Peut-on civiliser les drogues ? De la guerre à la drogue à la réduction des risques, La Découverte, 2002.

12. Norman Zinberg, Drug, Set, and Setting. The basis for controlled intoxicant use, Yale University Press, 1986.

13. Anne Coppel et Olivier Doubre, Drogues, sortir de l’impasse, La Découverte, 2012.

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